Coopération

Gilbert Bawara : « Aider un convalescent à se refaire une santé »

Le ministre de la Coopération, Gilbert Bawara, demande aux bailleurs de fonds de traiter le Togo avec « indulgence » mais comprend la prudence dont font preuve les partenaires étrangers après 15 ans de crise.

Dans l'entretien qu'il nous a accordé vendredi, Gilbert Bawara souligne « qu'une certaine méfiance s'était instaurée entre nous et nos partenaires ces quinze dernières années. Maintenant où ils ont commencé à revenir, ils essaient de nous jauger, ils veulent s'assurer que nous avons changé réellement d'habitude, que nous avons évolué en matière de bonne gouvernance avant de se déployer entièrement ». Republicoftogo.com : Depuis la reprise de la coopération entre le Togo et ses partenaires, il y a eu plusieurs accords de financements ; des fonds ont été alloués au Togo. Mais jusqu'à présent il n'y a pas d'actions concrètes sur le terrain.

Gilbert Bawara :

Je comprends l'impatience et les inquiétudes qui se manifestent au sein de la population qui a le sentiment qu'il y a un décalage entre les annonces et les résultats. En fait il y a deux raisons fondamentales qui sont à l'origine de ce décalage mais qui n'en est pas un.

La première c'est que l'Etat togolais ne dispose pas aujourd'hui de toutes les capacités administratives, de toutes les structures outillées et compétentes pour gérer convenablement toutes les ressources que nous sommes en train de recueillir.

Vous savez que pendant quinze ans nous avons été éloignés de nos partenaires alors qu'au même moment, les procédures et les règles de gestion de l'aide extérieure se sont affinées et sont devenues plus complexes. Donc il faut s'assurer de maîtriser ces nouvelles règles pour pouvoir mettre convenablement en Œuvre les projets.

Il faut ajouter au même facteur, le fait que le cycle d'un projet est très lent. Il faut d'abord le concevoir intellectuellement en veillant à diagnostiquer les problèmes par un dialogue avec les populations concernées, les groupes cibles pour s'assurer que ce que le gouvernement formule comme besoins correspond aux attentes des populations. Une fois cette conception intellectuelle faite, il faut formaliser le projet et ensuite vient la phase de mise en Œuvre qui est visible pour la population.

La deuxième raison est toute simple. Une certaine méfiance s'était instaurée entre nous et nos partenaires ces quinze dernières années. Maintenant où ils ont commencé à revenir, ils essaient de nous jauger, ils veulent s'assurer que nous avons changé réellement d'habitude, que nous avons évolué en matière de bonne gouvernance avant de se déployer entièrement.

C'est pourquoi le gouvernement, notamment le ministre de l'Economie et des Finances a entrepris de vastes mesures d'assainissement des finances publiques pour permettre à l'Etat de retrouver sa crédibilité à l'interne pour mieux gérer les ressources dont il dispose mais aussi à l'externe parce que nos partenaires auront les assurances que nous respectons les règles de bonne gouvernance et de gestion rigoureuse des ressources qui sont allouées à l'Etat.

Voilà deux facteurs conjugués qui font que nous signons des accords de financement mais les fonds ne sont pas d'emblée mis à la disposition du Togo.

Les fonds sont toujours à la disposition de nos partenaires qui fiancent des projets spécifiques conformément à des procédures que nous devons également maîtriser.

En dernier lieu, je dois dire que le délabrement du tissu social, de l'économie nationale et la dégradation poussée des conditions de vie des populations sont tels que pour faire la différence et rendre perceptibles les changements, il nous faut disposer d'une masse critique de ressources financières pour ne pas faire de simple replâtrage alors que ce dont nous avons besoin est plus sérieux.

D'où la nécessité de signer les conventions de financement avec plusieurs partenaires, accumuler suffisamment de ressources et engager des chantiers d'une certaine ampleur dont les effets seront visibles et palpables.  

Republicoftogo.com : Justement dans le but de mobiliser ces ressources en masse, il avait été prévu une table ronde des bailleurs de fonds à Bruxelles le 18 juin. Cette rencontre a été reportée sur septembre quelles en sont les raisons ?

Gilbert Bawara :

Ce report est lié à un problème d'agenda. Pour que cette table ronde soit un succès, il nous faut la préparer minutieusement. La date de 18 juin semblait trop courte. C'est pourquoi, en concertation avec nos partenaires qui nous accompagnent dans ce projet, il a été décidé de la repousser à septembre prochain de sorte que nous puissions approfondir et affiner les préparatifs et de donner des chances de succès et d'efficacité à notre démarche.

Republicoftogo.com : la Banque Islamique de Développement a annoncé en début d'année un financement de 45 millions de dollars pour relever le secteur des phosphates.  Où en est-on aujourd'hui ?

Gilbert Bawara :

Il y a une chose sur laquelle nous devons nous accorder. Le secteur des phosphates est aujourd'hui très délabré et l'outil de production est obsolète.

Dans un tel contexte, quelle que soit la bonne volonté de ceux qui sont à la tête de cette entreprise, ils ne peuvent rien faire. C'est pourquoi nous avons engagé des discussions avec la Banque Islamique de Développement pour obtenir un prêt.   Mais au moment où nous sommes en train d'obtenir des apurements de dettes et de nous engager dans une facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance qui inclus les allègements de dettes, il est normal que nos partenaires soient vigilants pour que ce que nous recevons par la main droite ne ressorte pas par la main gauche.

C'est donc ce souci de ne pas alourdir l'endettement du pays qui fait penser que nous traînons.

Rassurez-vus tout  le  monde est conscient qu'il faut faire quelque chose pour relancer ce secteur porteur de croissance surtout qu'actuellement le marché international est favorable. Donc pour le moment nous n'avons pas encore rempli toutes les conditions de décaissement du prêt dont les négociations sont en voie d'être finalisées avec la BID. C'est pour vous dire en clair que nous sommes en processus de discussion pour obtenir le prêt mais nous ne l'avons pas encore acquis.

Republicoftogo.com : Vous avez tout récemment appelé les partenaires en développement à faire preuve de souplesse vis-à-vis du Togo. Faut-il parler de rigidité des bailleurs de fonds ?

Gilbert Bawara :

Non ce n'est pas de la rigidité mais je demande juste que notre cas soit traité avec indulgence d'autan plus que nous sortons d'une situation de longue crise.

Nous pouvons être considérés comme un pays fragile. Nos partenaires ne doivent pas nous poser les mêmes conditions que celles qu'ils imposent aux pays en situation normale.

Le Togo est convalescent, ils doivent l'aider à se refaire une santé.

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