Culture

Frédéric Mitterrand décore Edem Kodjo

Edem Kodjo (photo), ancien Premier ministre togolais, ancien secrétaire général de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) et actuel président de la Fondation Pax Africana, a été fait lundi Officier des Arts et Lettres par Frédéric Mitterrand, le ministre de la Culture. Une décoration remise par Dominique REnaux, l’ambassadeur de France au Togo.

Lors de son intervention, le diplomate « intimidé » a indiqué que cette décoration était « un nouvel hommage de la France à un grand Togolais et un grand Africain, à un homme politique et un diplomate toujours aux premières loges, à un homme de culture familier de l'action, un intellectuel qui sait le poids des responsabilités ; hommage aussi à une création et une réflexion intellectuelle et romanesque nourrie par une carrière exceptionnelle par sa variété d’expériences et d’angles de vue sur le monde ».

Dominique Renaux a rappelé la carrière politique et littéraire - très riche - d’Edem Kodjo.

Ce n’est pas la première fois qu’Kodjo est distingué par la France. Il est depuis 10 ans commandeur de la Légion d'honneur.

Voici le discours prononcé par l’ambassadeur de France

M. le Ministre d'Etat, Ministre des affaires étrangères et de la coopération

Messieurs les Premiers Ministres,

Mesdames et Messieurs les Ministres, Monseigneur, chers collègues,  Mesdames et Messieurs , Chers parents et amis d'Edem Kodjo,

Nous sommes très heureux, ma femme et moi, de vous recevoir ce soir et très honorés qu'Edem Kodjo m'ait confié la tâche écrasante et intimidante de lui remettre ses insignes d'officier dans l'Ordre des arts et des lettres

Monsieur le Président de Pax Africana,

Cette décoration que vient de vous décerner M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, est, après celle de commandeur de la Légion d'honneur il y a dix ans exactement, un nouvel hommage de la France à un grand Togolais et un grand Africain, à un homme politique et un diplomate toujours aux premières loges, à un homme de culture familier de l'action, un intellectuel qui sait le poids des responsabilités ; hommage aussi à une création et une réflexion intellectuelle et romanesque nourrie par une carrière exceptionnelle par sa variété d’expériences et d’angles de vue sur le monde.

Hommage aussi, permettez-moi de le dire, à un ami de la France.  En 1961, vous obtenez une maîtrise de droit et sciences économiques à l’Université de Rennes, avant d’être diplômé en 1964 de la réputée Ecole Nationale d’Administration (ENA) de Paris. Vous exercez dans la foulée les fonctions d’administrateur de l’ORTF à Paris jusqu'en 1967. Cette solide formation et votre grande curiosité intellectuelle vous dotent des armes conceptuelles nécessaires à la compréhension des sociétés, des économies, des relations internationales. Vous garderez le contact avec le monde universitaire, comme professeur associé en économie du développement à l'Université de Paris 1 pendant près de dix ans.

Votre retour à Lomé en 1967 marque le début d'une double et brillante carrière, internationale au Fonds Monétaire International (FMI), à la BCEAO, la BAD et bien sûr à l’OUA dont vous êtes Secrétaire général de 1978 à 1983, et nationale : plusieurs fois ministre, deux fois Premier Ministre (de 1994 à 1996, puis de 2005 à 2006). Acteur de premier plan et témoin privilégié donc d'un demi-siècle d'histoire du Togo, de l'Afrique et du monde.

Tout vous passionne et rien ne vous indiffère, mais l'Afrique est je crois votre grande passion, le fil conducteur de votre action politique comme de votre réflexion. L'Afrique et ses défis, ceux du développement, de ses systèmes politiques, de la prévention et du règlement de ses conflits, de son poids dans le monde. Vous en avez acquis une connaissance intime à l'OUA et lors d'innombrables missions, encore récemment comme médiateur de l’Organisation Internationale de la Francophonie à Madagascar ou chef de la mission d'observation de l'Union Africaine en Guinée. Actuellement Ambassadeur de la Paix de l’Union Africaine et Ambassadeur itinérant de la CEDEAO, vous venez de lancer la Fondation Pax Africana, qui œuvre pour la paix et le développement sur le continent et a tenu en mai dernier une conférence de haut niveau sur l’intégration africaine.

Votre carrière littéraire a été couronnée d'un succès immédiat en 1985 avec "Et demain l'Afrique", distingué "grand prix littéraire de l'Afrique Noire" par l'Association des Ecrivains de Langue Française (ADELF). Vous avez fait paraître en octobre 2010 dans la collection Continent Noir (Gallimard), sous le titre « Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire », un bilan politique des cinquante ans d'indépendance africaine. Bilan sans concession aux accents d'amour déçu  "Afrique, mon Afrique, qu'as-tu fait de ta jeunesse ?", mais surtout appel au sursaut, au courage pour édifier une Afrique à la croissance forte, avec une industrie et un système bancaire puissants, une Afrique unie pesant toujours davantage dans les relations internationales.

Avec "au commencement était le glaive", paru en 2004
vous passez, enfin dirais-je, au roman, avec succès pour cette fresque, aux accents de conte philosophique, sur le royaume de Soumérina, où une guerre effroyable va opposer les Hamouris dominants aux Bamounas qui rejettent cette domination. S’il évoque bien sûr le génocide rwandais, le livre n'est pas pour autant un roman historique mais bel et bien une création littéraire, avec une grande maîtrise d'écriture et d'intrigue tout au long des 280 pages et une réflexion personnelle sur le pouvoir, la violence. Livre noir souvent, sur la férocité des hommes, le massacre des innocents, les supplices du collier, sur la barbarie qui amène la reine de Soumérina à interpeller Dieu, à se révolter.  Dieu, rappelez-vous, a voulu les hommes libres, libres de choisir, le mal comme le bien. Comment ne pas douter pourtant ? "Contre le désespoir, Seigneur, j'ai besoin de toutes mes forces", pourriez-vous dire comme Senghor dans l' « élégie de minuit ». La Foi est pour vous cette force, celle qui animait les Pères de l'Eglise auquel vous avez consacré un ouvrage. Alors dans le monde que vous créez le mal ne doit pas avoir le dernier mot, pas toujours. Ce monde n'est pas maudit. Il est éclairé de figures pures et nobles, comme l'enfant AZNARI qui refuse de dénoncer ses camarades hamouris ou la belle FANTAMADIA qui veut jeter des ponts entre ces communautés ennemies.

Au commencement était le glaive. Non, rappelle le père MFUNI, au commencement était le Verbe. Le Verbe, arme des hommes de foi, des hommes de bonne volonté. Arme commune aux prophètes et aux diplomates, selon la thèse de l'ambassadeur Gilles Curien. Arme de paix, d'affirmation de l'universel.

Il faut lire et relire les dernières pages de ce beau roman, ce que ses personnages disent de la vie, qui ne vaut que si on la domine, de la mort qui n'est rien, un tigre de papier, ou encore de ce que vous appelez "l'éternel dilemme de l'être : marquer ou durer". Sur ce point, laissez-moi vous rassurer : vous êtes l'illustration que l'on peut marquer ET durer. Que l'on peut aussi être à la fois homme d'action et homme de culture, imprécateur et médiateur, imperturbable et passionné.

Comme dit le moraliste, il y plus d'indiscrétion dans l'éloge que dans le blâme, je vais donc m'arrêter avant d'être indiscret.

M. Le Président de Pax Africana, voilà donc exposées, à très grands traits, quelques unes des raisons qui ont conduit le Ministre de la culture et de la communication, M. Frédéric Mitterrand, par arrêté en date du 4 avril 2011, à vous distinguer dans l’Ordre des Arts et des Lettres. Par cette distinction, la France honore les personnalités qui se sont illustrées par leurs créations dans le domaine artistique ou littéraire, et par la contribution qu’elles ont apportée au rayonnement de la culture en France et dans le monde.

« Monsieur Edem KODJO, au nom du Ministre français de la culture et de la communication nous vous faisons Officier dans l’Ordre des Arts et des Lettres ».

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