Environnement

Doha : adoption et contestation

Abrégeant dans un coup d'éclat des négociations qui s'éternisaient à Doha, la présidence qatarie de la conférence de l'ONU sur la lutte contre le changement climatique a fait adopter samedi un accord dont la pièce maîtresse est la naissance de l'acte II du protocole de Kyoto.

La méthode peu orthodoxe du vice-Premier ministre qatari Abdallah al-Attiya (photo), qui présidait les débats en réunion plénière, a suscité la colère de la délégation russe qui a dénoncé un passage en force.
 
 Alors que les négociations traînaient en longueur et avaient déjà plus d'un jour de retard sur le calendrier prévu, M. Attiya est monté à la tribune et a adopté, en rafales et prenant de surprise les délégations, la série de textes en discussion depuis le 26 novembre par plus de 190 pays.
 
 C'est la première fois que je vois un tel précédent, a dénoncé le délégué russe. Les décisions adoptées reflètent la volonté des parties dans leur ensemble, a répondu M. Attiya.
 
 Ces dernières semaines, rapports et études ont sonné l'alarme sur la réalité du changement climatique et le fait que les efforts réalisés étaient bien loin du compte.
 
 Le monde se dirige actuellement vers une hausse de 3°C à 5°C de la température globale et non de 2°C, seuil au-delà duquel le système climatique risque de s'emballer.
 
 Les pourparlers de Doha n'avaient pas vocation à déboucher sur des mesures à la hauteur de l'enjeu, mais d'ouvrir la voie à l'accord global et ambitieux, engageant tous les pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), prévu en 2015 pour entrer en vigueur en 2020.
 
 Le point le plus important de cet accord est le lancement de la seconde période d'engagement du protocole de Kyoto, qui engage l'Union européenne, l'Australie et une dizaine d'autres pays industrialisés à réduire leurs émissions de GES entre janvier 2013 et décembre 2020.
 
 Sa portée sera essentiellement symbolique car les pays engagés ne représentent que 15% des émissions de GES dans le monde, après le désistement du Japon, de la Russie et du Canada. Les Etats-Unis, deuxième pollueur au monde, n'a jamais ratifié Kyoto.
 
 Mais les pays du Sud sont très attachés à ce protocole, seul instrument légal sur le climat, au nom de la responsabilité historique du Nord dans le dérèglement climatique.
 
 L'autre gros dossier de l'accord était l'aide financière aux pays du Sud pour faire face au changement climatique. L'accord n'est pas à la hauteur, a regretté le ministre des Affaires étrangères de Nauru, Kieren Keke, au nom de l'Alliance des petits Etats insulaires (Aosis), sans pour autant dénoncer l'adoption du texte.
 
 Ce processus ne produit que des mots et pas d'action, a-t-il dit, regrettant amèrement que les pays du Nord ne se soient pas engagés sur de nouveaux montants d'aide.
 
 Les pays du Sud attendaient des pays développés qu'ils s'engagent à verser 60 milliards de dollars d'ici 2015, pour assurer une transition entre l'aide d'urgence de 30 mds USD pour 2010-2012, et la promesse des 100 mds par an d'ici 2020.
 
 Les pourparlers ont été bloqués de longues heures samedi par la question de l'air chaud, le surplus de quotas d'émissions de GES hérités de Kyoto 1, soit 13 milliards de tonnes équivalent CO2, détenus principalement par la Russie, l'Ukraine et la Pologne.
 
 De nombreux pays, notamment en développement, s'inquiètent de l'utilisation de ces crédits, mettant en avant qu'ils ne permettent de réduire les GES que sur le papier.
 
 Le texte présenté par le Qatar n'annule pas cet air chaud mais l'Australie, l'UE, le Japon, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège et la Suisse se sont solennellement engagés à ne pas en acheter pour respecter leurs engagements au sein de Kyoto 2.
 
 Cela signifie que dans les faits, cet air chaud ne circulera pas jusqu'en 2020.

Présent à Doha, le Togo s’est félicité de cet accord par la voix de la ministre de l’environnement, Dédé Ahoéfa Ekoué.

L'accord de Doha

- L'ACTE II DU PROTOCOLE DE KYOTO:

La seconde période d'engagement, après la première qui expire fin décembre 2012, s'étalera du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2020.

Elle concerne l'Union européenne, la Croatie et l'Islande, et huit autres pays industrialisés dont l'Australie, la Norvège et la Suisse, soit 15% des émissions globales de gaz à effet de serre (GES) dans le monde.

Chaque pays réexaminera ses objectifs chiffrés de réduction de GES au plus tard en 2014.

- AIDE FINANCIERE AUX PAYS DU SUD POUR FAIRE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE:

Le texte de Doha presse les pays développés à annoncer de nouvelles aides financières quand les circonstances financières le permettront et à soumettre au rendez-vous climat de 2013 à Varsovie les informations sur leurs stratégies pour mobiliser des fonds afin d'arriver à 100 milliards de dollars par an d'ici 2020.

- REPARATION POUR PERTES ET DOMMAGES CAUSES AUX PAYS DU SUD PAR LE RECHAUFFEMENT:

A Varsovie, des arrangements institutionnels, comme un mécanisme international, seront décidés pour s'occuper de la question des pertes et dommages liés aux impacts du changement climatique dans les pays en développement particulièrement vulnérables.

Ce point a été très disputé entre les pays du Sud, qui s'estiment victimes des actions du Nord ayant déréglé le climat, et les Etats-Unis, qui craignent qu'un mécanisme ne mène un jour à des actions en justice et ne veulent pas débourser plus que ce qui a déjà été prévu dans les divers accords de l'ONU sur le climat.

- VERS UN ACCORD GLOBAL ET AMBITIEUX EN 2015:

L'accord de Doha réaffirme l'ambition d'adopter un protocole, un autre instrument juridique ou un accord ayant force juridique à la conférence de l'ONU prévue en 2015 pour une entrée en vigueur en 2020, et rappelle l'objectif de parvenir à limiter la hausse de la température à +2°C.

Contrairement au protocole de Kyoto, cet accord ne concernera pas que les nations industrialisées mais tous les pays, y compris les grands émergents et les Etats-Unis.

Un texte devant servir de base pour les négociations doit être disponible avant mai 2015 et l'accord de Doha accueille favorablement la proposition du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon de réunir les dirigeants mondiaux en 2014 sur cette question.

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