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Ciment : l'ATC quitte le cadre de discussions

L'Association togolaise des consommateurs (ATC) dit ne pas avoir été consultée ou informée de l'augmentation des prix du ciment. Alors qu'un cadre de discussions, regroupant l'association des consommateurs, les syndicats, le gouvernement…, avait été créé pour réfléchir aux solutions à la vie chère. Le porte-parole de l'association expose ses points de vue dans une interview à l'hebdomadaire togolais L'Union.

##S_B##L'Union – Depuis hier, le prix du ciment est augmenté. Quelle est votre réaction en tant que regroupement de consommateurs ?

Aladjou Agouta :

Nous avons été surpris par la nouvelle, et nous sommes indignés par la réaction du gouvernement, parce que la manière qui a été utilisée n'est pas la mieux appropriée.

Il y a quelques mois, le gouvernement togolais a initié un cadre de discussions, un comité de réflexion sur la vie chère où gouvernement, partenaires sociaux et syndicats des consommateurs se retrouvaient de temps en temps pour échanger des propositions en vue de juguler cette crise. Nous ne comprenons pas qu'il y ait ce cadre de concertation – qui aurait été un endroit idéal pour partager les préoccupations liées au problème du ciment – et qu'il n'a pas été associé ni informé. L'ATC n'a pas été informée ni associée. Nous ne sommes pas contre le fait qu'on ait augmenté le prix du ciment ; mais la manière ne nous a pas honorés parce qu'on s'est sentis trahis. Le ciment est un produit très important dans la vie du Togolais, après sa nourriture.

Premièrement, le gouvernement, dans une situation de précarité et de flambée de prix des produits de base, augmente de manière exagérée le prix du ciment, sans se référer à la réaction des partenaires sociaux. Devant cette situation, l'ATC se dit qu'elle n'a plus rien à faire dans le cadre de concertation institué par l'Etat. Donc, nous nous retirons de ce cadre, parce que nous n'avons pas été écoutés. Notre représentation n'a pas fait son jeu.

Deuxièmement, après le ciment, il y a sûrement d'autres produits qui vont connaître d'augmentation, comme l'électricité, les produits BB, l'eau ou le téléphone. Nous avons demandé aux parlementaires de diligenter une enquête pour situer le peuple togolais sur cette question. Parce qu'on ne comprend pas que, dans un pays qui produit suffisamment du ciment, il y ait pénurie et spéculation. On ne peut pas avoir les deux à la fois : soit il y a pénurie parce qu'il n'y a pas de stock, soit il y a spéculation parce que les gens cherchent à augmenter le prix. Qui tire les ficelles dans l'ombre ? Il faut le découvrir.

On nous a montré des camions Titan à l'intérieur du pays allant vers le Burkina Faso qui ont été appréhendés par les forces de l'ordre. C'est une bonne chose. Mais dans le même temps, le ciment va vers le Bénin par Kétao, Pagouda, Hillakondji… officiellement. On a même montré un navire au port de Lomé qui est venu embarquer le ciment… Ce n'est pas le petit commerçant du coin qui est impliqué. Quelque part, il y a une complicité de haut niveau. La même chose s'observe au niveau du maïs. Le Togo a suffisamment du maïs, mais on meurt de faim. Déjà les spéculateurs ont pris d'assaut les champs de maïs et les récoltes et sont en train de faire des stocks à vendre plus chers.

Troisièmement, nous ne sommes pas satisfaits de l'action gouvernementale sur la vie chère. Nous aurions pu demander la démission pure et simple de certains ministres, mais nous n'allons pas aller là pour manquer de respect à l'autorité. Nous laissons la responsabilité au chef de l'Etat. Que le gouvernement fasse de la cherté de la vie l'une des priorités, comme les réformes.

Que devient alors le cadre de discussions avec les partenaires sociaux et le gouvernement ?

L'ATC l'a quitté après la déclaration du Conseil des ministres. Ceux qui y demeurent, nous leur souhaitons beaucoup de courage à faire du bon travail autour du Premier ministre que nous félicitons et encourageons. Nous ne pouvons pas être dans un cadre où on nous poignarde en même temps dans le dos.

Nous avons suspendu des marches pacifiques par le passé ; on nous a traités de tous les noms jusqu'à discréditer notre association. Nous l'avons fait pour l'autorité, par respect de la patrie. Ils auraient pu, par respect pour nous, nous informer de l'augmentation du prix du ciment.

Lutte contre la spéculation

14% et 16% d'augmentation sur le ciment

Lancée courant avril, l'opération «Togo d'abord» –dispositif sécuritaire de suivi consistant à accompagner les camions chargés de ciment de policiers munis de la liste des lieux de dépotage– a visiblement pris l'eau. Les spéculateurs sont restés plus forts. C'est le moins qu'on puisse dire avec la décision importante du conseil des ministres du 9 juillet 2008. Le marché local manque toujours du ciment depuis-là, pour cause d'exportation frauduleuse par des frontières poreuses et officielles. Ainsi, depuis ce jeudi 10 juillet 2008, la tonne de ciment est vendue sur toute l'étendue du territoire national aux prix homologués suivants : Ciment CIMTOGO : CPJ 35 : 81.000 francs CFA TTC ; CPA 45 : 92.000  francs CFA TTC. Ciment FORTIA : CPJ 35 : 77.000 francs CFA TTC. Précédemment, la tonne de Cimtogo CPJ 35 était au détail vendue à 70.000 francs CFA TTC tandis que la tonne de Fortia se payait à 66.000 francs CFA. Aussi assiste-t-on à une augmentation de 11.000 francs CFA sur la tonne, soit 550 francs sur le paquet. Ce qui donne une majoration de 14% pour le Fortia et 16% pour le Cimtogo.

Des raisons sont trouvées suite à la communication de Yendja Yentchabré, ministre du commerce, de l'industrie, de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises, sur la situation actuelle du commerce du ciment au Togo. «Malgré les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre cette spéculation, la pénurie demeure toujours. Autrement dit, tant que nos prix continueront à être plus bas par rapport à ceux pratiqués dans les pays voisins, la spéculation ne cessera pas. Le triste constat de la spéculation et les effets conjugués de la flambée des prix des éléments entrant dans la fabrication du ciment au Togo ont conduit le gouvernement à accéder à la demande d'ajustement de prix réclamé par les producteurs. Toutefois, le gouvernement a veillé à ce que, malgré l'ajustement, le prix du ciment vendu au Togo soit à  un niveau à peu près égal à ceux pratiqués par les pays voisins», précise le communiqué du conseil des ministres. Tout en ajoutant que les niveaux des prix au Togo sont nettement inférieurs à ceux des pays de la sous région.

Depuis 2006, le gouvernement, dans le souci de préserver le pouvoir d'achat des consommateurs et leur permettre de s'acheter du ciment pour améliorer  leur habitat, avait  décidé de ne pas augmenter les prix du ciment, malgré les exigences répétées et légitimes des producteurs. A partir de janvier 2008, le Togo vit une situation de pénurie de ciment due à la spéculation que pratiquent certains distributeurs agréés et revendeurs qui exportent illégalement le ciment destiné à la consommation nationale vers les pays voisins où les prix de vente du ciment sont plus élevés que ceux pratiqués au Togo.

En rappel, le Togo dispose de deux unités de production de ciment, CIMTOGO et FORTIA, qui ont une capacité de production totale mensuelle de 105.000 tonnes. La quantité mise sur le marché local est normalement suffisante pour couvrir tous les besoins des populations. La consommation moyenne du Togo en ciment se situe entre 45.000 et 50.000 tonnes par mois.

© L'Union du 11 juillet 2008

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