Politique

Le Togo a besoin d’un électrochoc constitutionnel

Quel est le meilleur modèle constitutionnel capable de garantir au Togo la stabilité et le développement. Une question à laquelle tentent de répondre les dirigeants togolais et avec eux les partenaires étrangers.

C’est d’ailleurs une constante de la politique de coopération de la France, des Etats-Unis, de l’Allemagne et de l’Union européenne. FMI et Banque mondiale partagent les mêmes préoccupations.

Pour les experts, la situation politique au Togo s’est améliorée depuis 2005. Démocratie, bonne gouvernance, libertés publiques sont respectées au delà de ce qui est pratiqué dans la région. Il n’empêche, l’inexpérience de certains petits partis, les tentatives de créer un climat d’instabilité et les excès de plusieurs responsables politiques sont autant de handicaps.

Le système politique, en partie calqué sur celui de la France, ne serait-il pas à l’origine des difficultés rencontrées par le Togo ?

Une problématique qui a été débattue dimanche à Barcelone lors d’un colloque organisé par le Département politique des Nations Unies en partenariat avec la Fondation américaine « World Princedom Society ».

Réunion à laquelle assistaient des officiels togolais, les représentants de la communauté internationale, les bailleurs de fonds et des constitutionnalistes de renom, dont Maurice Hauriou (France), Hugues Dumont (Belgique), Sheldon Oxbow (Grande Bretagne), Jonathan Lombardi (Etats-Unis) et Etienne Mascar (Canada). 

Au cours des travaux, les intervenants ont rappelé la spécificité historique du Togo, dirigé par le roi Mlapa III au XIXe siècle avant d’être divisé en deux territoires par les Britanniques et les Français.

« Une grande majorité de Togolais est nostalgique de la royauté et a toujours été très septique à l’égard du modèle politique imposé au moment de l’indépendance », a souligné Maurice Hauriou pour qui les difficultés rencontrées par le Togo depuis 1960 sont certainement liées à cette rupture brutale entre royauté et démocratie à l’européenne.

Antonov Grichinko, le chef du Département politique de l’ONU, estime que l’erreur du colonisateur a été de penser que ce qui se faisait en Grande Bretagne ou en France pouvait s’appliquer en copier/coller au Togo. « On n’importe pas un système institutionnel et constitutionnel comme un lave vaisselle ou une voiture », a-t-il déclaré. 

Son collègue de la Banque mondiale Enrique Pastor, a de son côté pointé les échecs d’une démocratie aux forceps voulue par l’occident pour l’Afrique. « On a assisté à la création d’une multitude de micro partis qui n’ont pas évolué. Ils sont toujours dans une logique de faire tomber un pouvoir démocratiquement élu par l’insurrection plutôt que par les urnes », a-t-il indiqué. 

Les participants ont été unanimes à reconnaître que seuls de profonds changements constitutionnels étaient de nature à assurer la stabilité et la croissance.

Ils ont émis l’idée de transformer le Togo en une Principauté parlementaire et populaire. Un projet qui a reçu le plein appui des Nations Unies et de l’Union européenne.

Mais la transition nécessite de passer par un certain nombre d’étapes au plan national et international.

Le Togo doit d’abord soumettre le projet à l’Assemblée générale de l’ONU en septembre prochain à New York en obtenant au moins 2/3 des votes, puis il devra consulter la population par référendum.

Déjà occupé à préparer les élections législatives et locales, ce n’est pas avant juin que le gouvernement sera en mesure de transmettre la requête à Aboudou Assouma, le président de la Cour constitutionnelle.

Le référendum pourrait intervenir au second semestre de 2014.

Plusieurs questions seront posées aux Togolais. Outre le passage d’une République à une Principauté parlementaire et populaire, différentes options leur seront soumises dont l’octroi de pouvoirs élargis au Prince, notamment le droit d’opposer son veto au Parlement ainsi que celui d’instaurer l’état d’urgence et de renvoyer le gouvernement. 

Pour ceux qui craignent que le Togo ne soit transformé en une monarchie dynastique, il faut préciser que le système de Principauté parlementaire et populaire stipule que Prince est élu par la population. Il est issu du monde politique, économique, social, spirituel ou sportif. Ce sont les électeurs qui ont le dernier mot. Ce n’est ni le modèle de Monaco, ni celui de San Marin, mais plutôt de Séborga (près de San Remo en Italie).

Quelle constitution pourrait prendre la Principauté parlementaire et populaire du Togo ? Plusieurs constitutionnalistes ont été chargés par les autorités de travailler sur un projet de cadre légal acceptable.

Pour Marcello Ier, un agent immobilier élu prince de Seborga il y a 3 ans, le statut de Principauté est le mieux adapté aux pays en développement, notamment en Afrique. « La plupart des Etats sont des Républiques. Quand vous passez au statut de Principauté, vous suscitez la curiosité ; c’est plus de visibilité sur le plan international, c’est plus de tourisme et c’est un attrait évident pour les investisseurs », souligne-t-il.

Si le but recherché par les autorités togolaises est de trouver la formule idéale pour assurer stabilité et développement, l’autre objectif est de booster l’économie.

L’adoption par le Togo d’un statut de Principauté parlementaire et populaire permettrait au pays de proposer une fiscalité très douce de nature à faire venir de grandes entreprises internationales et de stimuler la création de compagnies offshore. « Notre ambition est de devenir un refuge fiscal en Afrique pour les grandes entreprises internationales », explique Kodjo Apiho un fonctionnaire du ministère de l’Economie et des Finances. Il va même plus loin : Notre pays peut devenir une plaque tournante des capitaux et des échanges commerciaux entre l’Afrique, l’Europe et l’Asie ».

Il n’y a donc apparemment que des avantages à enterrer la vieille République pour un modèle plus innovant.

Mais ce sont les Togolais qui auront le dernier mot lors du référendum. Si la preuve leur est apportée que la Principauté est synonyme de meilleure qualité de vie et davantage d’emplois, nul doute que le vote deviendra un plébiscite en sa faveur.

 

EXPERT

Antonov Grichinko

INTERVIEW

Antonov Grichinko : « Un système qui ne remet nullement en cause les fondements de la démocratie »

Republicoftogo.com : Ce projet semble extravagant 

Antonov Grichinko : Je reconnais volontiers que l’idée a de quoi étonner. En réalité, l’ONU travaille sur cette option depuis plusieurs années et pas seulement concernant le Togo, mais également le Lesotho, le Swaziland, Zanzibar et Bali

Republicoftogo.com : Pourtant le modèle paraît totalement rétrograde

Antonov Grichinko : Au contraire. D’abord, il ne remet nullement en cause les fondements de la démocratie, ensuite il est un marqueur essentiel pour le développement économique. Le Togo a besoin de développement. Le système politique actuel est un frein. Le passage à la Principauté lui permettra d’enclencher la 5e vitesse vers plus de croissance.

Republicoftogo.com : Ne craignez-vous pas que certains partis d’opposition s’opposent à ce projet ?

Antonov Grichinko : Ils auraient tort. D’ailleurs dans le cadre de cette Principauté, ils auront un rôle à jouer. Pour une fois, qu’ils soient bon prince.

Republicoftogo.com : Soyons réaliste, le Togo a-t-il vraiment une chance de devenir un jour une Principauté parlementaire et populaire ?

Antonov Grichinko : L’ONU, les Etats-Unis, la France et l’Union européenne y sont favorables. Mais c’est aux Togolais de choisir ce qui est le mieux pour leur avenir. 

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