Politique

Retrouver le chemin de la modération

Le président Faure Gnassingbé est intervenu lundi soir à l’occasion du 50e anniversaire de l’indépendance du Togo.

« (…) l’Histoire établit clairement et d’indubitable manière que l’indépendance du Togo est unique. Elle n’est pas le résultat d’une quelconque négociation, ni la résultante d’une politique nouvelle définie par la Puissance coloniale et tutrice, mais le fruit d’une lutte tissée de bravoure et de souffrances qui verra sa maturation et son couronnement le 27 avril 1958 », a déclaré le chef de l’Etat qui a rendu hommage à tous les bâtisseurs du Togo indépendant.

Il a notamment rappelé le rôle joué par Sylvanus Olympio, « l’incarnation de la lutte », Pa Augustino De Souza, « le sage par excellence », Martin Aku, Paulin Freitas, Paulin Akouete, Jonathan, Moustapha Bayor, Ben Apaloo, Me Ignacio Anani Santos ou encore Me François Amorin.
« On ne les citera jamais tous, ces combattants de la liberté, ces accoucheurs de l’indépendance mais leurs noms resteront gravés dans la mémoire collective de ce Peuple au destin peu commun, le Peuple Togolais », a souligné Faure Gnassingbé.

Le président a enfin rappelé « l’action multiforme menée pendant tant d’années » par Gnassingbé Eyadema « dont les mérites sont immenses ».
Voici le discours prononcé par le chef de l’Eat
Togolaises, Togolais,
Mes Chers compatriotes,
Il y a 50 ans, le 27 avril 1960 à zéro heure, une voix, grave, claire, alerte et joyeuse traversait l’espace serein recueilli du ciel de Lomé … la foule était là, massée autour d’un mât où montait bientôt un drapeau tout nouveau, vierge, salué par un hymne à la Terre de nos aïeux : la mélodie s’envolait elle aussi toute neuve dans sa pureté originelle, soutenue, au surplus par une puissante fanfare militaire…
La voix déchirait la nuit : avec insistance elle empruntait la voix du grand prophète Isaïe et interpellait la garde… très fort, très haut :
« Gardien que dis-tu de la nuit ? La nuit est longue, mais le jour vient ! » (Veilleur)
Admirable cliché qui résume toute la complexité de notre histoire… Le jour enfin était arrivé qui libérait en même temps de la servitude coloniale et le pouvoir colonial de sa prétention hautaine, exorbitante. Le Togo était né … non plus du Congrès de Berlin, mais né pour de bon à la liberté, né de nous, né par nous, né pour nous, toujours trépidant de vie avec ses interpellations, et ses objurgations.Toujours anciennes… toujours nouvelles. Que fais-tu de moi, frère qui porte mon nom que tu m’as donné toi-même ? Quel est mon avenir avec toi et par toi que vais-je devenir ?
Chers Compatriotes,
Immense est donc ma joie et grande mon émotion, en m’adressant à vous, en cette veille de la célébration du 50ème anniversaire de notre Indépendance.
Joie, parce qu’un peuple courageux, déterminé, fier est parvenu aux prix d’intenses efforts et d’une lutte sans concession à recouvrer sa liberté, cette vertu consubstantielle à l’homme et que rien, ni personne ne saurait impunément lui ravir.
Emotion, oui profonde émotion lorsqu’on rentre en soi pour faire une rétrospective et jeter un regard sur l’histoire de notre cher Togo, de notre chère Patrie.
Un constat s’impose :
Dix-sept pays africains célèbrent le cinquantième anniversaire de leur indépendance. Cependant, l’Histoire établit clairement et d’indubitable manière que l’indépendance du Togo est unique. Elle n’est pas le résultat d’une quelconque négociation, ni la résultante d’une politique nouvelle définie par la Puissance coloniale et tutrice, mais le fruit d’une lutte tissée de bravoure et de souffrances qui verra sa maturation et son couronnement le 27 avril 1958.

Ce jour-là, le Peuple Togolais, bien avant tous ceux de l’espace francophone d’Afrique Noire remporte un triomphe électoral aussi inattendu qu’inégale, sous les yeux de la Communauté internationale dépêchée pour superviser ces élections. Le triomphe des partis nationalistes fut totale et sans bavures. En réalité, le Togo était indépendant depuis ce jour.
C’est bien plus tard, avec l’avènement au pouvoir du Général de Gaulle, après les événements de mai 1958 que la France mettra au point son projet de décolonisation de ses anciennes possessions en Afrique. Si l’on se rappelle que le "Non" de Sékou Touré à la proposition française date du 28 septembre 1958 on comprendra aisément que le Togo fut le 1er pays indépendant de l’espace francophone d’Afrique noire.
Oui le premier, et nous en sommes fiers, tout le peuple togolais en est fier, car c’est lui qui a montré à tant d’autres le chemin qui conduit au recouvrement de la Liberté.
Ce fait historique, nous les Togolais et les Togolaises, nous ne devons jamais l’oublier.
Et si, pour des raisons d’accommodement et d’organisation la proclamation officielle de l’indépendance fut reportée à deux ans plus tard, le fait demeure, têtu et imperturbable que le Togo était indépendant depuis le 27 avril 1958.

La légitime fierté que nous pouvons tirer de cette Histoire glorieuse nous oblige à l’accomplissement de deux devoirs.

Et d’abord celui de l’hommage. Oui ! qu’un hommage vibrant soit rendu à ces pionniers de l’indépendance, à ces lutteurs infatigables qui ne jetèrent jamais l’éponge, qui restèrent au front, debout dans la tourmente, faisant parfois le sacrifice de leurs vies, aux martyrs de Pya Hodo, de Vogan et d’ailleurs, aux leaders du Comité de l’Unité Togolaise, de la JUVENTO, ceux qui perdirent leur emploi par le fait du prince colonial, ceux qui souffrirent mille tourments, aux grands leaders de cette histoire lumineuse :

Sylvanus OYMPIO, l’incarnation de la lutte, Pa Augustino De SOUZA, le sage par excellence, Martin AKU, Paulin FREITAS, Paulin AKOUETE, Jonathan SAVI de TOVE, Namoro KARAMOKO, FARE DJATO, Théophile MALLY, Dr Gerson KPOTSRA, Rudolf THOMSON, Moussa KONA, Martin SANKAREDJA, Papa Claudius Amouzouvi FRANKLIN dit Piam-Piam, Hospice COCO, Moustapha BAYOR, Ben APALOO, Me Ignacio Anani SANTOS, Me François AMORIN, Max AITHSON, Abalo FIRMIN, Emmanuel NUBUKPO, les chefs traditionnels blanchis sous le harnais : DOBLI, AGBANON, QUAN DESSOU LAWSON, KALIPE PASSAH, APETO, DORKENOO, PEBY, etc. Les femmes héroïques : Akossiwa APALOO, Eunice ADABUNU, Confort ADJREVO Essiaku, et tant d’autres.

On ne les citera jamais tous, ces combattants de la liberté, ces accoucheurs de l’indépendance mais leurs noms resteront gravés dans la mémoire collective de ce Peuple au destin peu commun, le Peuple Togolais.

Cependant l’indépendance de notre pays ne fut pas un processus rectiligne, sans heurts, sans courbures, sans brisures. L’honnêteté commande que l’on rende témoignage du rôle important que jouèrent d’autres hommes et d’autres femmes qui sont nos compatriotes et qui ont opté pour une démarche moins radicale, tout en visant le même objectif et en privilégiant le dialogue et la négociation avec la Puissance tutrice…

En ce cinquantième anniversaire, il ne sied pas de les ignorer, mais de les associer au résultat final, de saluer leur mémoire, de reconnaître la valeur de leur contribution.
Nicolas GRUNITZKY, Dermane AYEVA, le Dr Robert AJAVON, Mama FOUSSENI, le Dr Simon KPODAR, Emmanuel FIAWOO, Pedro OLYMPIO, Antoine MEATCHI, Baguilma YWASSA et tant d’autres, chefs traditionnels, militants de premier plan ont également bien mérité de la Patrie.
Comment peut-on oublier dans cet hommage de la Nation reconnaissante GNASSINGBE Eyadema dont les mérites sont immenses au regard de l’action multiforme qu’il a menée, pendant tant d’années, pour la survie et la consolidation d’un pays dont le destin fut parfois mal assuré : la paix scolaire que nous enviaient nos voisins fut son œuvre personnelle.
Togolaises, Togolais,
Comment en ce jour solennel, pourrais-je passer sous silence les vertus et les qualités de notre Peuple : courage, ténacité, lucidité, esprit d’entreprise, volonté de réussir, amour de la Patrie. Notre devise nationale, Travail, Liberté, Patrie, brille au cœur de chaque fils et de chaque fille de cette nation et sous-tend ses actions et ses initiatives.
Nous nous devons de sauvegarder, à tout prix ce patriotisme intrinsèque, d’en assurer la maturation, d’en parfaire le développement.
Le Togo, ira de l’avant, si les Togolais, obviant aux fascinations de l’illusionnisme et de l’irréalisme, mais accoudés à un amour profond pour la Nation se donnaient la main pour bâtir leur pays, dans la vérité et la justice.
C’est pourquoi, autant ai-je souligné les vertus de notre Peuple autant dois-je relever les défauts et les manquements qui nous caractérisent dont le plus pernicieux est, sans doute, la propension à la division en camps antagonistes, et l’humeur, l’esprit frondeur qui nous guette.
Comment ne pas reconnaître, pour le regretter, que depuis 1946, sinon peut-être avant, notre pays a toujours été la proie de la division entre ses enfants.
Depuis l’élection du premier togolais député à part entière à l’Assemblée nationale française jusqu’à ce jour, un clivage qui n’a jamais été résorbé, sépare les soi-disant bons des soi-disant mauvais.

Les habitants d’un même pays ont pris l’habitude de s’opposer, de s’invectiver, sinon de se haïr…l’adversaire n’est pas forcement un ennemi.
L’Histoire du Togo est l’histoire malheureuse de deux clans antagonistes arc-boutés sur leurs principes, vouant aux gémonies ceux qui osent penser à l’écart, prêts à en découdre au risque de provoquer des affrontements sanglants. Depuis 1946, l’Histoire, notre Histoire balbutie, bégaye…et s’apparente à un éternel recommencement.
Tout ce que propose un camp est a priori et catégoriquement rejeté par l’autre…Les nombreux et laborieux dialogues qui se sont succédé ces dernières années n’ont pas abouti entièrement aux résultats attendus… Les efforts déployés ici et là, pour ramener compréhension et solidarité entre les fils d’une même Nation et pour bâtir une paix durable, condition indispensable d’une authentique politique de développement sont toujours frag*ilisés par l’extrémisme des uns et le radicalisme des autres.

Le pays qui a montré la voie hier, offre aujourd’hui l’image de la désunion… Nous devons retrouver le chemin de la modération et de la pondération si nous voulons garantir un avenir radieux à la Nation togolaise.

Oh ! Oui assurément ! Ce serait déjà beaucoup que de nous comprendre d’une famille à l’autre, que de nous accepter. Est-ce vraiment si difficile ? Les arbres d’essences différentes restent unis par les racines, une même terre les nourrit, une sève différenciée, tirée du même sol gonfle la forêt toute entière.
Ce n’est pas la hantise de l’unité à tout prix qui nous convient, ni la tentation de faire passer tous les esprits à la toise officielle, ou de ramener à un type unique l’innombrable génie du Togo.

Mais c’est de fraterniser, de nous aimer. L’amour véritable est lucide et déteste de se faire illusion ; il ne faiblit point devant les misères, ni même devant les vices de ce qu’il chérit. Ni les misères, ni les vices ne lui masquent les vertus cachées et ces mérites que le monde ne voit pas. Ne penser qu’à soi est la peste à combattre surtout si on l’associe au sentiment qu’il faut tout attendre de l’Etat.
Chaque citoyen a l’impérieux devoir de créer par son initiative et son action la richesse pour accroître le patrimoine personnel et ce faisant celui de la communauté.
Togolaises, Togolais,
L’heure du Pardon a sonné… Cette vertu est fondamentale, même si nous devons l’assortir, aux yeux des hommes, à la Justice et à la réparation. La commission Vérité, Justice et Réconciliation a entrepris cette tâche exaltante et délicate.
La Nation entière doit remercier ceux qui ont accepté une mission aussi difficile que malaisée.
Vérité certes ! Il faut qu’elle soit établie, depuis les origines, que les faits qui ont gangrené 50 ans de notre vie politique soient connus et reconnus.
Justice ; oui, justice qui n’est trop souvent qu’un masque à l’usage de nos passions …mais justice qui découle de la Vérité.
Réconciliation et Pardon qui vont de pair et qui assurent paix et sérénité dans les esprits et dans les cœurs.

Notre pays, plus que jamais a besoin de Paix. Nous devons faire fi des manœuvres politiciennes qui ne visent qu’à assouvir des ambitions secrètes, jamais clairement avouées, fondées sur des arrières pensées. Nous devons rechercher une paix véritable, durable après tant d’années d’illusions et de tergiversations.

Somme toute, nous avons l’impérieux devoir de construire notre pays : de restaurer son image, d’en assurer le rayonnement. Un vaste chantier nous attend, tant sur le plan des infrastructures que sur celui des équipements collectifs pour les années à venir ; routes, ponts, hôpitaux, infrastructures scolaires, aménagement de nos villes et de nos campagnes, mise en œuvre d’un authentique programme de logements sociaux, d’un développement cohérent de l’Agriculture et de l’Industrie et par-dessus tout, élaboration d’une politique appropriée pour assurer des emplois à notre jeunesse, les femmes, les enfants, les personnes âgées doivent bénéficier des meilleures conditions de vie. Il est intolérable que face à cet énorme défi, nous dispersons nos énergies en de vaines et pitoyables querelles.

L’heure des palinodies est passée. Nous devons nous ressaisir. A l’orée du cinquantième anniversaire de notre indépendance, prenons la résolution de penser d’abord à ce que nous faisons pour le pays. Rassemblons-nous autour des idéaux essentiels, ceux qui assurent la pérennité de l’Etat et la survie de la Nation.
Il est des domaines où le consensus doit toujours prévaloir parce qu’il s’agit des intérêts vitaux de la Nation.
Les nombreuses réformes qui ont été entreprises doivent être poursuivies tant dans le secteur public et administratif qu’au niveau des entreprises privées qui jouent un rôle de plus en plus déterminant dans la Nation. La démocratie que nous construisons jour, après, jour, doit être renforcée.
Togolaises, Togolais,

Si une juste joie étreint nos cœurs, si ceux-ci débordent d’allégresse, il demeure qu’au-delà de nos réjouissances, nos regards doivent être tournés vers l’avenir, vers l’avenir du pays qui est le nôtre, ce pays qui symbolise notre Cause Commune…

Nous avons vis-à-vis de cette terre bien aimée, de cette terre si attachante, la Terre de nos aïeux, plus qu’une obligation, un impérieux devoir celui d’œuvrer pour la sortir de la pauvreté et de la misère, par une prise de conscience renouvelée, une foi inébranlable dans le travail libérateur et une saine et féconde réappropriation de nos valeurs culturelles.

Hier, le Togo flamboyant a surgi au devant de la scène, puis le Togo a souffert et versé des larmes de sang, le Togo renaît aujourd’hui en émergeant de ses cendres, le Togo vaincra et triomphera, assurément, dès lors que nous voici réunis à son chevet, tous lucides et décidés, fiers et généreux, courageux et entreprenants.
Mes chers Compatriotes,

Notre pays engage un nouveau tournant de sa longue marche.

Une nouvelle page de notre histoire s’ouvre devant nous. Nous la voulons plus glorieuse, plus fraternelle.

Nous la souhaitons porteuse de progrès et de prospérité pour le peuple togolais.

Les leçons du passé doivent nous servir à entrer dans une nouvelle espérance.

Bon jubilé du 50ème anniversaire, à vous toutes et à vous tous, chers Compatriotes.

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