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Le gouvernement à la recherche de syndicalistes responsables

Depuis le début de l’année et l’adoption du nouveau statut de la fonction publique, le front syndical est en ébullition au Togo. Un groupement de syndicats de base a lancé une série de grèves pour exiger, notamment, une hausse de 100% des salaires. Des négociations se sont engagées avec le gouvernement, interrompues régulièrement par des débrayages organisés par la Synergie des Travailleurs du Togo (STT).

Dans un entretien accordé à Republicoftogo.com, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Octave Nicoué Broohm (photo), principal négociateur, invite la STT a faire preuve de responsabilité et de réalisme. Il s’étonne du comportement incohérent de cette organisation qui pratique le double langage. Celui des négociations et celui à destination de sa base.

Pour M. Broohm, il n’y a aucun point de blocage entre le gouvernement et la STT concernant les revendications présentées. L’issue doit être trouvée par la discussion et non par la grève.

Republicoftogo.com : Le grand public a du mal à comprendre avec qui négocie actuellement le gouvernement. S’agit t-il de l’ensemble des syndicats de fonctionnaires, ou d’un seul groupement en l’occurrence la STT ?

Octave Nicoué Broohm : Effectivement, la question est pertinente. La Synergie des travailleurs du Togo (STT), un nouveau syndicat de base de l’administration publique qui a lancé les mots d’ordre de grève, est désavoué par la plupart des centrales syndicales à l’exception d’une.

Ce sont avec ces syndicats de base regroupés au sein de la STT, que nous discutons actuellement. Ils ont présenté une plateforme de revendications en 8 points. Ils ont mobilisé certaines catégories de travailleurs de la fonction publique, notamment une majorité d’enseignants et d’agents de la santé.

Republicoftogo.com : Cette Synergie demande une augmentation de 100% des salaires des fonctionnaires. Cette demande est-elle réaliste ?

Octave Nicoué Broohm : C’est une stratégie syndicale que l’on peut comprendre. On met la barre très haut en espérant obtenir, à terme, les meilleurs avantages.

Dans le cas présent, nous ne savons pas vraiment si c’est une stratégie. Toujours est-il que la coordination de ce mouvement, composée de cinq membres, a reconnu au travers des discussions que ce n’était pas possible compte tenu du budget actuel du Togo.

Doubler la valeur indiciaire, le budget ne peut pas le supporter. Cela est pratiquement impossible, et à l’impossible nul n’est tenu. Les syndicalistes ont compris cela.

Nous avons discuté pour examiner les voies et moyens permettant d’accroître les ressources de l’Etat. Nous nous sommes entendus sur le fait qu’il faut effectivement engager d’autres réformes, d’autres initiatives, pour donner à l’Etat des moyens supplémentaires. Le gouvernement y est favorable. 

Par ailleurs, les syndicalistes se sont rendus compte eux-mêmes que certaines de leurs revendications étaient un peu tirées par les cheveux.

Voilà où on en était mardi après-midi. La STT devait, en Assemblée générale, rendre compte des dernières avancées des discussions.

On est tombé d’accord sur le principe d’un relèvement de la valeur indiciaire en lien avec une nouvelle grille salariale. Nous leur avons dit qu’au moment où on était réuni, les calculs qui avaient été faits avaient oublié de prendre en compte un aspect, à savoir le reclassement de tous les fonctionnaires dans la nouvelle grille avec des incidences financières liés à cette grille salariale. Nous avons demandé en urgence que le calcul additionnel soit effectué pour prendre une décision.

Nous leur avons expliqué cela longuement et ils ont dit avoir compris.

Ils ont également posé le problème des personnels émargeant sur des budgets autonomes. C’est-à-dire, des organismes et instituts qui ont un budget indépendant que l’Etat subventionne. Nous avons clairement expliqué que cette catégorie de contractuels ne pouvaient bénéficier des mêmes avantages que ceux accordés aux fonctionnaires.

Republicoftogo.com : A vous écouter il n’y a pas de blocage sur l’ensemble de la plateforme revendicative ?

Octave Nicoué Broohm : En réalité sur les 8 points, il n’y a aucun blocage. Sur la question de la grille salariale et de la valeur indiciaire, nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut revoir tout cela.

Etant entendu que la masse salariale doit rester dans des limites bien précises fixées par l’Uemoa et en rapport avec les bonnes pratiques de gouvernance et de gestion budgétaire qui permettent au gouvernement d’investir pour développer la productivité et booster la croissance.

Pour résumer, aucun point n’a jamais fait l’objet d’un blocage.

Republicoftogo.com : Pourtant, la STT a déclenché une nouvelle grève jeudi et vendredi

Octave Nicoué Broohm : Nous déplorons ce comportement. Aucune formation syndicale digne de ce nom ne peut se comporter ainsi. Quand on négocie, on va au bout des discussions, on tire les conclusions. S’il y a un problème, on discute pour trouver une solution. 

Republicoftogo.com : Quel est le compromis idéal susceptible de donner satisfaction aussi bien aux syndicats qu’au gouvernement ?

Octave Nicoué Broohm : Il n’y a pas de compromis idéal. Ce que nous souhaitons, c’est que tous les acteurs du monde du travail comprennent qu’un budget n’est pas extensible.

Les gens sont persuadés que l’argent coule à flot et la désinformation renforce cette idée.

Ce que les syndicats doivent intégrer une fois pour toute, c’est qu’il existe des possibilités, mais qu’elles ne sont pas illimitées.

Le rôle d’un syndicat en tant que partenaire, c’est de réfléchir et de faire des propositions permettant une redistribution équitable. Ce n’est pas de présenter des revendications qui n’ont aucun fondement.

Nous leur avons demandé de faire des calculs, de fournir des chiffres, des analyses macro économiques objectives, ils ne l’ont pas fait en expliquant que ce n’est pas leur travail. 

Il y a des problèmes, bien sûr, mais la grève n’est pas la solution. Elle fragilise l’économie et aggrave la pauvreté. Il existe d’autres moyens de pression.

La grève, c’est l’ultime moyen qui doit être utilisé avec beaucoup de prudence. Mais quand on en use de façon récurrente, c’est un manque de conscience et de responsabilité. Nous souhaitons avoir en face de nous des gens responsables. On ne peut pas avoir un discours lors de pourparlers avec le gouvernement et un autre radicalement différent en s’adressant à la base. Il faut comprendre dans ce cas que la STT est dans une autre logique, celle de la contestation systématique qui n’a pas grand chose à voir avec la défense des fonctionnaires.

Republicoftogo.com : Justement, certains affirment que cette crise sociale est politisée, exploitée par des partis d’opposition. Partagez-vous ce sentiment ?

Octave Nicoué Broohm : Que ce soit politisé ou pas, nous disons que le débat ne peut s’exprimer par la violence. S’agissant du combat syndical, il serait dangereux de mélanger les genres. La défense des travailleurs est une chose, le combat politique en est une autre.

Republicoftogo.com : Comment éviter la succession des grèves dans la fonction publique qui constitue une menace pour l’économie ?

Octave Nicoué Broohm : Nous sommes dans un processus de redressement économique. Le Togo se relève difficilement de longues années d’une crise socio-politique. Tout reste encore très fragile.

Cette série de grèves n’est certainement pas la bonne méthode. C’est une stratégie de destruction du pays. Quand il y a un problème, il faut s’asseoir autour d’une table et discuter. C’est ça la solution. 

Republicoftogo.com : A quand la reprise des discussions avec la STT ?

Octave Nicoué Broohm : La grève déclenchée jeudi et vendredi est totalement sortie du cadre des négociations car il n’y a pas de blocage à aucun niveau.

Pour reprendre les discussions, il faut avoir un partenaire en face. Pour l’instant nos interlocuteurs sont en grève alors on attend.

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