Société

Apologie des narcotrafiquants à la télé ?

Personne ou presque ne peut échapper en Colombie au "Capo", au "Cartel" ou encore aux "Poupées de la mafia", feuilletons culte qui fascinent les téléspectateurs et s'exportent jusqu'en Afrique, même s'ils sont accusés de faire l'apologie des narcotrafiquants.
Les poupées - "Las Munecas de la Mafia" - six femmes d'origine humble aux corps rendus parfaits par la chirurgie qui ont choisi de vivre même sans amour avec des "traquetos" - mot de slang désignant les trafiquants, rivent hommes femmes à leurs postes de télévision tous les jours.
La série, toujours diffusée par Caracol, ferait 41% de part d'audience.
"El Capo", a également décroché de tels succès que les producteurs continuent à parier sur ce nouveau genre, prévoyant de lancer en 2010, un nouveau feuilleton sur la vie de Pablo Escobar.
Pendant ce temps, sociologues et critiques de télévision s'interrogent sur la société dans laquelle ils vivent, en principe opposée à la corruption et la et malgré tout si facilement séduite par la "narco-culture".
"Il n'y a pas de formule magique: les téléspectateurs aiment connaître les secrets d'une réalité qui est au coin de leur rue. Ils aiment voir que les délinquants sans âme des journaux télévisés sont des êtres en chair et en os, complexes", estime le scénariste Juan Ferrand, qui écrit la série sur Pablo Escobar.
"Nous ne faisons pas l'apologie du délit, au contraire, nous voulons montrer aux spectateurs les erreurs que l'on peut commettre pour qu'ils ne les reproduisent pas", assure-t-il encore.
"Le cocktail de violence, sexe, belles femmes, armes et intrigues est une garantie de succès pour n'importe quelle production, mais cela créé un phénomène culturel négatif (...) surtout chez les plus vulnérables, pour qui l'illégalité devient moralement acceptable", se plaint au contraire Jerónimo Rivera, professeur à l'université catholique de La Sabana.
Comment se fait-il, s'interroge le spécialiste, que "nous applaudissions, et ressentions de la joie (...) lorsque les héros de ces séries font parvenir avec succès un chargement de cocaïne jusqu'aux Etats-Unis" ?
La fascination qu'exerçent ces telenovelas, ne montre-t-elle pas que les Colombiens admettent être un maillon de la chaîne du narcotrafic ? se demande aussi Omar Rincon, critique de télévision, tandis que l'intellectuel et ancien maire de Bogota Antanas Mockus, admet suivre "presque religieusement" El Capo.
"Il n'est pas facile d'interpréter la popularité d'El Capo. S'agit-t-il d'un clin d'oeuil social en faveur des narcotrafiquants ? Ou la preuve que la société a franchi une nouvelle étape et peut regarder son passé avec indulgence" ? s'interroge-t-il.
La Colombie, bien que n'abritant plus les patrons des plus puissants cartels, désormais au Mexique, a encore fourni en 2009 près de 50% de la cocaïne produite dans le monde, drogue qui finance guérilla et groupes armés.
En 2009 aussi une guerre entre narcotrafiquants a fait exploser les indices de criminalité à Medellin, siège du cartel du défunt Pablo Escobar, où 1.432 homicides ont été rapportés, une hausse de 64% par rapport à l'année précédente.
Pendant ce temps, la série "Le Cartel" produite par Caracol s'est vendue au Togo et dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest assure la vice-présidente de Caracol TV internacional Angelica Guerra.
"Une formule à succès mais dangereuse", s'inquiète Antanas Mockus: "l'exporter, renforcera beaucoup de préjugés sur la Colombie".

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