Diplomatie

Démocratie contre obscurantisme

«Il est impérieux que le Conseil (de sécurité) se décide à redonner espoir aux Maliens (…) en adoptant une nouvelle résolution; celle qui autorise le déploiement de la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA*)". S’exprimant lundi devant le Conseil de sécurité de l’ONU à New York, à l’occasion d’un débat de haut niveau consacré à l’insécurité au Sahel, le ministre des Affaires étrangères du Togo, Elliott Ohin (photo), a exposé une nouvelle fois la position de son pays concernant la nécessité d’une intervention miliaire au Mali.

L’unanimité n’existe pas quant à la pertinence de l'envoi d'une force multinationale. Les Etats-Unis et le secrétaire général des Nations Unies ont une approche différente mêlant formation de l’armée malienne, dialogue avec les groupes islamistes qui le souhaitent et opérations commandos contre les organisations terroristes.

Si le Conseil de sécurité a marqué, de façon claire sa disponibilité à faire prévaloir les droits de l’homme et la démocratie sur l’obscurantisme, l’intégrisme religieux et le terrorisme, le dialogue sur la force, les groupes armés au nord Mali ont manifestement choisi une autre voie, celle de fouler aux pieds la dignité humaine, a déclaré Elliott Ohin.

Le débat du jour sur la situation au Sahel, initié par le Maroc qui préside au mois de décembre le Conseil de sécurité, n’est pas le premier du genre. Les problèmes sont récurrents. Les pays de la région sont déstabilisés par la criminalité transfrontalière organisée, y compris le trafic de drogue et d’armes, l’extrémisme religieux, le terrorisme et la sécheresse.

* La Misma devrait être composée de troupes fournies par les pays de la Cédéao

Lire l’intervention du chef de la diplomatie togolaise, Elliott Ohin

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Ministres et Chefs de délégation,

Monsieur le Secrétaire général,

Je voudrais, avant toute chose, adresser mes chaleureuses félicitations au Royaume du Maroc, pour sa présidence du Conseil de sécurité, pour ce mois de décembre, et pour avoir pris l’initiative d’organiser cette importante réunion sur le Sahel.

L’objectif de cette rencontre, qui consiste à explorer les voies pour aller « vers une approche plus globale et coordonnée », de la question du Sahel, est tout à fait opportun, compte tenu des circonstances de temps et de contexte. La raison en est que la Communauté internationale est aujourd’hui mobilisée, sous diverses formes, pour trouver les solutions les plus adéquates aux multiples maux qui assaillent la région du Sahel.

Nous sommes heureux de relever que le présent débat s’inscrit dans la droite ligne de celui tenu par notre Conseil le 21 février 2012, sous la présidence du Togo, sur le thème de l’impact de la criminalité transnationale organisée sur la paix et la sécurité en Afrique de l’Ouest et dans la région du Sahel.

Monsieur le Président,

Il y a une dizaine d’années, les pays et les peuples du Sahel étaient perçus, par l’ensemble de la Communauté internationale, comme étant résolument engagés pour la stabilité, la démocratie et le développement. Les avancées obtenues dans ces domaines ont été à la faveur des dynamiques de sorties de crises, de réformes politiques et des politiques de croissances économiques engagées, ça et là, pour relever les défis résultant des pesanteurs historiques, sociologiques et culturelles mais aussi et surtout de l’austérité de la nature.

Toutefois, comme conséquence du poids et de la nature de ces défis, ni les problèmes structurels n’ont pu être résolus en peu de temps, ni la capacité de résilience des populations n’a pu être suffisamment relevée pour leur permettre de faire efficacement face aux chocs récurrents des crises alimentaires  dues notamment à la sécheresse.

Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que la région devienne le terreau favorable à de multiples fléaux dont les effets pervers n’ont pu être anticipés, faute de moyens et de ressources. Un tel état des choses a remis en cause les acquis et a déstabilisé les Etats concernés ainsi que leurs structures.

Ces fléaux sont la criminalité transfrontalière organisée, y compris le trafic de drogue et d’armes, l’extrémisme religieux, le terrorisme et la sécheresse.

Leur conjonction explique le caractère pluridimensionnel de la crise au Sahel : politique, économique, sécuritaire, humanitaire et des droits de l’homme et qui justifie que la communauté internationale se mobilise, non seulement en raison du drame qui y sévit, sur tous les plans susmentionnés, mais également compte tenu de la position géographique médiane que le Sahel occupe par rapport à d’autres régions et surtout  au regard de l’impact de ces crises sur les régions avoisinantes.

A cet égard, le Togo se réjouit du travail entrepris par le Secrétaire général de l’ONU pour doter la région d’un plan stratégique intégré dont les objectifs principaux visent à optimiser les actions de l’ONU pour la résolution, à terme, des multiples défis qui se posent à cette région.

Le Togo apprécie, tout particulièrement, l’approche intégrée adoptée par notre Organisation commune dans le cadre de cette stratégie. Celle-ci tient en effet compte de la complexité des enjeux et de l’imbrication des défis à relever dans le domaine de la sécurité, du développement économique et social, de la gouvernance, des droits de l’homme et de la situation humanitaire. Nous sommes, pour notre part, heureux de constater que les stratégies développées par la CEDEAO et l’UEMOA comportent des domaines essentiels qui seront prises en compte dans la stratégie des Nations Unies pour le Sahel.

Le Togo souhaite que,  très rapidement, cette stratégie soit adoptée. Toutefois, la stratégie aura le mérite de tenir compte de la dimension transrégionale.

Nous nous réjouissons également de l’existence d’une stratégie de l’Union Européenne pour la sécurité et le développement au Sahel dont le mérite est d’avoir fait ressortir que la sécurité et le développement sont indissociables au Sahel et passent nécessairement par une coopération régionale étroite pour permettre la croissance  des économies et la réduction de la pauvreté.

Sur ce point précis, nous voudrions mettre en exergue deux considérations fondamentales :

D’abord, l’on ne doit pas perdre de vue l’impact de la situation dans le Sahel sur les régions d’Afrique de l’Ouest, du Centre, de l’Est et sur le Maghreb, du point de vue de la crise alimentaire et de l’insécurité. La définition des priorités, les approches de solutions et leurs modalités de mise en œuvre doivent, en effet, prendre en compte les répercussions sur les autres régions. Ces répercussions doivent être préalablement évaluées. Elles doivent aussi être examinées au fur te à mesure de l’exécution des programmes conçus pour le Sahel.

Ensuite, nous aimerions rappeler qu’il n’y a ni développement, ni bonne gouvernance sans la stabilité et la sécurité. Par conséquent, cette approche ne doit, à aucun moment, être perdu de vue. Au contraire, il doit concourir à rechercher et à traiter les causes profondes du mal.

Monsieur le Président,

Qui parle  aujourd’hui du Sahel a évidemment le regard tourné vers le passage obligé qu’est, malheureusement, le Mali, et ce, en tenant compte de l’importance des menaces à la paix et à la sécurité dans le nord de ce pays, ainsi que du drame humanitaire qui s’y déroule, avec des milliers de réfugiés dans les pays voisins.

Il s’agit, en réalité, de pouvoir concilier le règlement urgent de la crise malienne, sous ses aspects pluridimensionnels, à travers une approche globale qui prenne en compte toute la région du Sahel et qui devrait s’inscrire résolument dans la durée.

En tout état de cause, nous voudrions, ici, réitérer les vives préoccupations Togo face à la situation dans le nord du Mali et en appeler à l'ensemble de la Communauté internationale pour qu'elle envisage la mise en œuvre du principe universel de secourir les populations vulnérables. Car, au Nord Mali, il est bien question d’une situation de conflit qui met les populations, à savoir les femmes et les enfants, à la merci des exactions des groupes extrémistes et terroristes, adeptes des méthodes d’un autre temps et qui refusent l'accès humanitaire, scellant ainsi le tragique sort des milliers de personnes confrontées à une crise alimentaire aiguë. En cela, la situation de ces personnes nous interpelle et nous met en face de notre responsabilité de protéger car elles sont incontestablement privées du minimum requis pour vivre dignement. 

Le devoir de protéger qu’il incombe donc de mettre en avant, se justifie par le fait que l’exigence minimale de la sécurité humaine, la protection des personnes et biens sont les corollaires indispensables pour la sécurité de l'Etat et  la stabilité de ses institutions.

Monsieur le Président,

Le Conseil de sécurité, en adoptant la résolution 2071, a franchi un pas déterminant et marqué, de façon claire, sa disponibilité à faire prévaloir les droits de l’homme et la démocratie sur l’obscurantisme, l’intégrisme religieux et le terrorisme, le dialogue sur la force. Cependant, les groupes armés au nord Mali ont manifestement choisi une autre voie, celle de fouler aux pieds la dignité humaine. Il est donc impérieux que le Conseil se décide à redonner espoir aux Maliens, particulièrement ceux vivant dans nord du pays, en adoptant une nouvelle résolution, celle qui autorise le déploiement de la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA).

Monsieur le Président,

Concernant le Sahel dans son ensemble, le Togo, en ce qui le concerne, s'engage à apporter sa contribution en tant qu’Etat limitrophe de certains pays du Sahel, à la réussite des différentes initiatives, notamment par son apport en produits céréaliers, à travers le Programme alimentaire mondial. Il le fait déjà, en tant que pays servant de voie d'accès à l'Atlantique pour ces Etats enclavés, et dans le cadre des institutions sous régionales comme la CEDEAO et l'UEMOA. 

Au-delà de la mobilisation générale, les problèmes du Sahel exigent une attention toute particulière. Un mécanisme regroupant tous les acteurs concernés, sous la coordination des Nations Unies, doit s’y atteler.  Le  Togo se félicite d’ores et déjà de nomination, par le Secrétaire général de l’ONU, d’un envoyé spécial pour les questions du Sahel et l’invite à travailler, de concert, avec les autres Envoyés spéciaux dans la région, y compris l’Envoyé spécial de l’Union Africaine pour le Mali, en vue de la recherche de solutions aux multiples problèmes que connait la région du Sahel.

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