Diplomatie

Les Frères musulmans ont tenté d’imposer leur idéologie

L'armée et la police ont attaqué jeudi le village de Kerdassa près du Caire pour en chasser des islamistes, et un haut gradé de la police a été tué dans l'opération, selon l'agence officielle Mena.

Mohamed Morsi, issue de la confrérie des Frères musulmans, a été destitué et arrêté par l'armée le 3 juillet, après que des millions d'Egyptiens ont manifesté pour réclamer son départ. Les militaires, qui contrôlent de facto le pays, ont aussitôt mis en place un gouvernement intérimaire chargé de faire réécrire la Constitution et d'organiser des élections législatives et présidentielle pour début 2014.

‘Les Frères musulmans ont tenté d’imposer leur point de vue et d’éliminer les autres courants de pensée de la société égyptienne. Mon pays est une grande nation qui a une civilisation très ancienne. Il ne peut être dirigé par un clan et une idéologie’, explique Mohamed El Nokaly (photo), l’ambassadeur d’Egypte au Togo, dans l’entretien qui suit.

 

Republicoftogo.com : L’occident s’est réjoui, peut-être un peu trop vite, du Printemps arabe. L’aspiration démocratique du peuple égyptien s’est transformée en une dictature des Frères musulmans. Comment expliquer ce tropisme des pays occidentaux ?

Mohamed El Nokaly : La révolution du 25 janvier 2011 se situait dans un contexte particulier. Le régime autocrate d’Hosni Moubarak était une continuation des régimes précédents (Nasser, Sadate, ndlr). Ce ne sont pas les pays occidentaux  qui ont soutenu le printemps arabe en Egypte et ailleurs, ce sont les peuples qui ont voulu se débarrasser des tyrannies.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les Frères musulmans ont remporté la présidentielle uniquement parce que les électeurs ne voulaient pas accorder leurs suffrages à l’autre candidat qui, à leur yeux, incarnait la continuation du régime. C’est tout.

Le problème, c’est que les Frères musulmans ont tenté d’imposer leur point de vue et d’éliminer les autres courants de pensée de la société égyptienne. Mon pays est une grande nation qui a une civilisation très ancienne. Il ne peut être dirigé par un clan et une idéologie.

Republicoftogo.com : La question mérite d’être posée : le Monde arabe est-il prêt pour la démocratie, telle qu’on l’entend en Occident ? Le développement ne passe-t-il pas avant la démocratie ?
 

Mohamed El Nokaly : On ne peut pas poser la question en ces termes. Il y a des peuples qui sont prêts pour la démocratie et d’autres pas.

La démocratie est un système  politique par lequel la souveraineté  est attribuée au peuple qui l'exerce. De nos jours, on ne peut plus marginaliser ou ignorer le peuple.

Cependant, il faut toujours aller doucement car la démocratie qui est appliquée dans les pays scandinaves, par exemple, ne peut être calquée ailleurs. Les différences culturelles et sociales et le niveau d’éducation doivent être pris en considération. En démocratie, il n’existe pas un modèle ‘All size’.

Republicoftogo.com : L’armée a repris les choses en mains à la demande d’une grande partie de la population. Comment les autorités envisagent-elles désormais le processus de transition ?

Mohamed El Nokaly : L’armée s’est rangée aux côtés du peuple. Le 30 juin dernier, il y avait des dizaines de millions  de personnes qui criaient leur ras le bol du régime des Frères musulmans. Si l’armée n’était pas intervenue, on aurait été tout droit au chaos et au bain de sang. Il fallait par conséquent intervenir. 

Un président provisoire civil  a été nommé et une feuille de route a été élaborée. La Commission des 50 est en train de rédiger la constitution et de nouvelles élections seront organisées. L’armée n’a pas pour vocation de rester au pouvoir. 

Republicoftogo.com : Sur le plan économique, l’Egypte paye le prix fort du passage des Frères musulmans à la tête de l’Etat. L’industrie touristique est en berne et pas seulement elle. Comment redonner confiance ?

Mohamed El Nokaly : Toute révolution exige des sacrifices. Le secteur touristique en est la première victime, mais c’est toute l’économie qui souffre. On tient bon malgré tout.

Republicoftogo.com : La politique de coopération initiée par Le Caire avec l’Afrique subit-elle les effets d’une situation instable. Les échanges avec le continent sont-ils durablement compromis ?

Mohamed El Nokaly : Non ! Il faut reconnaître que les échanges avec les Etats africains laissent à désirer. La politique africaine de l’Egypte est actuellement en débat. Il existe une volonté sincère de relancer les échanges. La dimension africaine de notre pas n’est pas à démontrer.

Republicoftogo.com : Au plan bilatéral, et malgré les difficultés politiques en Egypte, où en est la coopération entre Le Caire et Lomé.

Mohamed El Nokaly : La coopération ne s’est jamais interrompue. On a toujours eu d'excellente relation avec le Togo. Je vous rappelle que l’ambassade d’Egypte, ici à Lomé, a été ouverte en 1960.

Le Fonds égyptien pour l’assistance technique pour l’Afrique (FECTA) poursuit normalement ses activités. Il organise des stages, des séminaires, des colloques pour les agriculteurs, les magistrats, les policiers, les banquiers, les hauts fonctionnaires etc…

Des bourses d’études sont également accordées aux étudiants togolais.

Je suis heureux de vous indiquer que dans le cadre de la coopération médicale entre l’Egypte et le Togo, une mission est attendue prochainement à Lomé.

Au plan agricole, nous sommes en train d’élaborer un protocole d’entente entre les centres de recherche des deux pays et on espère qu’il y aura une mission égyptienne d’évaluation très bientôt au Togo. 

Le Togo dispose d’un grand potentiel agricole et nous allons travailler pour apporter notre expertise dans le cadre de la coopération sud-sud.

Republicoftogo.com : Dernière question d’actualité, Russes et Américains sont parvenus récemment à un accord sur les armes chimiques en Syrie. Damas a donné son feu vert. Ce qui devrait éloigner le spectre de frappes américaines et françaises

Mohamed El Nokaly : Je me réfère au feu président Anouar El Sadate qui disait qu’il n’y a pas de bonne guerre ni de mauvaise paix. Si on peut éviter l’effusion de sang, il faut y œuvrer.

La situation est ultra-compliquée ; c’est une vraie boucherie. Il est impérieux de trouver une solution politique. La force ne règlera rien.

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