Idées

Transcender le passé pour se tourner vers l'avenir

Philippe Bardiaux

Au début des années 90, le Togo était englué dans processus de démocratisation pour le moins délicat. Afin de sortir d’une longue crise, les partis politiques de l’époque (RPT, CDPA, CAR, UFC, UDS, …) avaient finalement convenu de créer un cadre de dialogue formel supervisé par des facilitateurs étrangers dont l’Union européenne, l’Allemagne, la Francophonie et la France, premier acte important de réconciliation nationale.

Quatre ans de laborieuses négociations (1992003) qui ont permis d’aboutir à un accord et aux fameux 22 engagements signés avec l’UE.

Le Français Philippe Bardiaux était à cette époque le secrétaire exécutif de la Facilitation. C’est dire sa connaissance du dossier et des hommes. Alors que le Togo se prépare à élire son prochain président de la République et que le climat se crispe à l’approche du scrutin, ce haut fonctionnaire, ancien collaborateur d'un ministre de la Coopération et chargé de mission à la présidence française sous Jacques Chirac, livre son analyse sur l’avenir du Pays.

Veillons à ne pas attiser la haine, à ne pas pas favoriser des bouleversements précipités, à ne pas pousser à des révoltes inutiles....

Par Philippe Bardiaux 

Libération titrait le 9 décembre 2014, sous la plume de son « envoyée -très- spéciale à Lomé », Sophie Bouillon « Togo : Nos frères burkinabés nous redonnent l’espoir » 

Une pseudo analyse truffée d'erreurs, un article à charge contre le pouvoir en place qui s’apparente plus à un trac de campagne diffusé au nom de Jean-Pierre Fabre qu’à une investigation objective et contradictoire. 

Je ne suis pas togolais, je n’ai pas de raison particulière de m’immiscer dans le processus politique en cours, à 3 mois des élections présidentielles de 2015, mais je souhaite réagir en observateur quelque peu averti de la situation de ce pays, de son évolution depuis 15 ans…En effet , depuis ces nombreuses années, je séjourne très régulièrement dans ce beau pays, j’ai épousé une togolaise et Je me dois de témoigner pour contribuer à une certaine vérité et alimenter le débat sur le rôle de l’occident et de la France au regard des avancées démocratiques en Afrique, subsaharienne en particulier.

Le 16 juillet dernier, dans ma résidence de Lomé, je recevais l’ensemble de la classe politique togolaise, majorité et opposition, à l’occasion du quinzième anniversaire de l’Accord Cadre de Lomé signé, avec l’appui de la communauté internationale en juillet 1999, et ce en présence de l’ensemble des diplomates étrangers nationaux et internationaux concernés. Cet accord était un premier acte important de réconciliation nationale obtenu par le biais d’une facilitation regroupant l’Union européenne, l’Allemagne, la France et l’Organisation Internationale de la Francophonie. J’étais à l’époque le Secrétaire exécutif de cette première « Facilitation » qui marqua cette volonté de « transcender le passé pour se tourner vers l'avenir ». Le seul absent à cette cérémonie utile et conviviale, relayé par la presse locale, était Monsieur Fabre qui n’avait pas daigné se déplacer ou envoyer un représentant de son parti, malgré mes échanges avec lui et les invitations lancées à ses premiers collaborateurs !  

Une anecdote, direz-vous !? Je connais Jean-Pierre Fabre depuis 15 ans et sa propension habituelle, continue et stratégique à dénoncer, on ne sait pas bien quoi ( ?), critiquer, appeler à la démission de tel ou tel, sans jamais rien proposer. A ce titre, je m’étonne quelquefois de l’écho dont il dispose en France avec un tel « programme » qui peut faire la presque Une d’un « grand » quotidien français, sans que rien, oui rien, ne soit mentionné sur la qualité et/ou la crédibilité de l’alternative qu’il pourrait représenter! M. Fabre est un opposant parmi d'autres, mais en aucun cas Chef de file de l'opposition togolaise. Il manifeste mais ne construit pas.

Je ne suis pas un pro « famille Gnassingbé » béat, même si j’ai beaucoup travaillé « avec » le Président Eyadéma pour le seul bien du Dialogue intertogolais et, de manière moindre avec son fils Faure, aujourd’hui devenu Chef de l’État.

De mes échanges avec les uns et les autres de la « mouvance présidentielle », des liens d’amitiés solides que j’ai tissés avec l’ensemble des opposants de ce pays, dans le plus grand respect mutuel, je retiens aujourd'hui une évolution certaine de la situation même si beaucoup reste à faire.

Tout n'est pas parfait au Togo, mais de nombreux signaux sont au vert ou marquent une réelle progression. Veillons par conséquent à ne pas attiser la haine, à ne pas pas favoriser des bouleversements précipités, à ne pas pousser à des révoltes inutiles....

Assurons-nous, sans approximation, de la progression démocratique de ce pays, avec sincérité, vigilance et réalisme absolu.

De grands travaux ont été réalisés au Togo depuis quelques années : le réseau routier s'améliore très nettement dans la capitale et du nord au sud, le port a multiplié les quais de déchargement, un nouvel aéroport moderne, avec un hub pour la sous région, ouvrira demain avec des conséquences économiques évidentes pour l'ensemble de la population. 

Le Président Faure a multiplié les actes de réconciliation nationale en associant nombre d'opposants depuis 10 ans à l'action politique. Gilchrist Olympio (dont Jean-Pierre Fabre a été le soutien inconditionnel et bruyant pendant des années -j'en ai été le témoin assourdi de 1999 à 2004-) , oui M. Olympio lui-même, depuis 2010 est allié au régime actuel dans un accord de gouvernement. Par ailleurs, mesure au combien symbolique de Faure Gnassingbé, que celle du passage de la fête nationale, du 13 janvier (arrivée au pouvoir du Président Eyadéma en 1967), au 27 avril (indépendance du Togo en 1960). La liberté de la presse est une réalité... Comme la liberté de manifester...

Alors, Oui, beaucoup reste faire au Togo, à construire en matière économique, à améliorer dans les domaines de l'éducation et de la santé. La classe moyenne progresse encore trop peu, le pouvoir d'achat ne décolle pas assez vite, mais la corruption régresse, avec là aussi l'implication personnelle du Président Faure qui a récemment encore souhaité le renforcement de « l'encadrement » des douaniers et de la police. 

Dans le monde, en Afrique, au Togo et en France, la presse comme les politiques sont toujours coupables quand ils nourrissent l'indigence du débat. La démocratie, d'autant plus en devenir, ne doit pas se résumer en un affrontement entre des hommes et des femmes, mais dans une confrontation de programmes et d'idées. C'est encore plus essentiel en Afrique, compte tenu des risques de dérapages plus ou moins violents...

L'histoire, plus que jamais, devrait nous dicter l'humilité

Que notre presse, certes de moins en moins achetée , de plus en plus subventionnée (et je suis bien placé pour le savoir!), que notre presse, pourtant « expérimentée », qui fait et défait les candidats aux élections, les victoires et les élus, du Président au « petit maire », que notre presse ne s'aventure pas dans une Afrique en croissance (elle !) et en particulier au Togo qui avance et où l'histoire, plus que jamais, devrait nous dicter l'humilité. 

La démocratie et, accessoirement, les révolutions appartiennent aux peuples concernés et notre exemple passé et présent n'est plus le seule modèle au monde. 

Que veut, que suggère Libération avec cette allusion au « bouquet final »

Le Togo est encore à son commencement. Merci de lui laisser la maîtrise de son temps.

Au sein de cette Afrique qui bouge, il participe à la croissance « certaine » du continent.

La « libération » ne se décide pas par une certaine presse française..., encore moins quand elle est approximative et/ou ignorante.

Vous avez dit « libération ».... !

Philippe BARDIAUX

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