Société

Philippe Seguin, « Beaucoup de fidélité dans ce grand homme »

L'ancien ministre et figure de la droite gaulliste en France, Philippe Séguin, président de la Cour des comptes, est mort dans la nuit de mercredi à jeudi à l'âge de 66 ans.
Il est décédé à son domicile à Paris, dans le XVe arrondissement, d'une crise cardiaque.
Philippe Séguin a été ministre des Affaires sociales et de l'Emploi (1986-88), président de l'Assemblée nationale (1993-97) et président du mouvement gaulliste RPR, ancêtre de l'UMP (1997-1999).
Il fut l'un des inspirateurs de la campagne présidentielle de Jacques Chirac en 1995, avant de prendre quelques distances avec l'ancien chef de l'Etat.
C'est en 1992, en prenant la tête de la campagne contre le traité européen de Maastricht, qu'il a acquis sa stature de leader de premier plan. Certains discours de cet orateur de talent sont restés célèbres, notamment celui dans lequel il dénonçait, en 1993, sous le terme de "Munich social", l'absence de priorité donnée à la lutte contre le chômage.
Né le 21 avril 1943 à Tunis, Philippe Séguin, sorti de la grande école de l'administration ENA, avait commencé au secrétariat général de l'Elysée sous la présidence de Georges Pompidou, puis au cabinet du Premier ministre Raymond Barre dans les années 1970.
Député des Vosges (est) durant 24 ans, il était premier président de la Cour des comptes depuis 2004, c'est à dire chargé de contrôler l'ensemble des budgets publics.
Philippe Séguin est l'auteur de plusieurs ouvrages politiques, dont "Itinéraire dans la France d'en bas, d'en haut et d'ailleurs" (2003).
Un homme a bien connu Philippe Seguin quand ce dernier était encore étudiant. Il s’agit de Charles Debbasch, Doyen honoraire de l’Université de Droit, d’Economie et des Sciences d’Aix-Marseille et ministre-conseiller à la présidence du Togo.
Charles Debbasch fait la connaissance de l’ancien ministre dans les années soixante à la Faculté de droit et à l’institut d’études politiques d’Aix-en-Provence. Il livre, ci-dessous, son témoignage sur un jeune homme qui le surprend toujours « parce qu’il parait avoir déjà tout appris et tout compris ».
Le témoignage de Charles Debbasch
C’est sans aucun doute l’un des plus grands privilèges de la condition enseignante ; voir éclore des talents dans la fleur de l’âge, les aider à s’épanouir puis, ce qui est plus rarement le cas, les suivre dans leur vie professionnelle .
C’est ma carrière à la Faculté de droit et à l’institut d’études politiques d’Aix-en-Provence qui me permet d’avoir un premier contact dans les années 1966-67 avec le jeune Philippe Seguin.
Le futur magistrat de la Cour des Comptes est alors un ‘’petit‘’pigiste au Provençal de Gaston Defferre et suit à ce titre les activités universitaires. Il me fait part de ses préoccupations. Il poursuit des études littéraires mais souhaite présenter le concours d’entrée à l’Ecole Nationale d’administration il lui faut donc acquérir un minimum de bases juridiques .

Un sourire pénétrant

Je lui conseille de s’inscrire à l’Institut d’études politiques d’Aix qui est une excellente passerelle généraliste. Timide , il m’aborde avec un sourire pénétrant et me demande à lui apprendre à affronter les épreuves d’exposé discussion qui sont parmi les plus redoutées des compétitions dans les IEP ou les épreuves de classement de l’ENA. Il me surprend parce qu’il parait avoir déjà tout appris et tout compris .
Il fait partie de ces étudiants qui sont déjà les maîtres de leurs propres professeurs. Mais, le candidat est modeste. Il travaille comme un bulldozer et avale les livres tout en ayant une vie sociale active. Il ne fait pas partie de ces enfants gâtés du septième ou du seizième arrondissement de Paris qui reçoivent dés leur berceau l’ENA en don naturel. Il est un fils de la République, pupille de la Nation, qui a besoin d’être aimé, qui recherche la considération sociale. Il défie le temps à grandes enjambées.
Le voilà reçu à l’ENA alors que j’y officie en qualité de membre des jurys en 1968 et 1969.Nous nous retrouvons parfois pour discuter je suis alors membre du Cabinet d’Edgar Faure qui est considéré comme le diable par la droite universitaire.
Philippe Seguin est, comme moi, perturbé par le mai 1968. Profondément gaulliste, il n’admet pas le nihilisme de la contestation mais sa fibre sociale l’incline à ne pas jeter la pierre aux étudiants et aux ouvriers en colère. Il sort de l’ENA en 1970 dans un rang brillant qui lui permet d’entrer à la Cour des Comptes et je n’aurai heureusement pas à le noter :je viens d’être élu doyen de la Faculté d’Aix-en- Provence et n’ai plus le temps de participer aux jurys de la Rue des Saints Pères. Fréquemment, je vais voir débouler dans mon bureau de président d’Université à Aix le jeune énarque dont la belle famille réside dans le Midi.
C’est une époque agitée dans la vie universitaire de la Cité du Roi René. A la défaveur des découpages universitaires, la Faculté de droit et l’IEP d’Aix ont été englobés dans une Université médicale dont les grands patrons ne comprennent pas grand chose aux sciences économiques et sociales. Nous conduisons alors un grand combat pour la création d’une troisième Université dans la région marseillaise. La lutte est âpre car Gaston Deferre a comme rival le maire socialiste d’Aix Félix Ciccolini et il veut garder le siège de toutes les Universités à Marseille. C’est en 1974 qu’un décret signé George Pompidou crée U3.
La grande histoire retiendra que c’est un jeune conseiller du président de la République qui l’a convaincu. Il s’appelle Philippe Seguin.
L’attachement de Seguin à son Université d’Aix ne se démentira jamais. Il y enseignera à plusieurs reprises et encore à sa mort il présidait le Conseil d’administration de l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en- Provence.
Il y avait beaucoup de fidélité dans ce grand homme.

Charles Debbasch
Doyen honoraire
Président honoraire de l’Université de Droit, d’Economie et des Sciences d’Aix-Marseille

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