Idées

Une Afrique zéro émission

Le succès de la COP26 à venir ne doit pas être mesuré en termes de rhétorique, mais dans la réalisation de plans réalistes, estime Tony Blair.

L'ancien Premier ministre britannique Tony Blair © republicoftogo.com

Le succès de la COP26 à venir ne doit pas être mesuré en termes de rhétorique ou de bonnes intentions, mais dans la réalisation de plans réalistes pour relever les défis. Il est temps de passer du mode campagne à la politique pratique. À ce jour, l’accent a été mis sur le besoin de leadership dans les pays avec les plus grosses émissions de carbone comme la Chine et les nations les plus riches.

Depuis la révolution industrielle en Europe, l’Afrique n’est responsable que de 3 % des émissions. Et aujourd’hui, avec 18 % de la population mondiale et 3 % du PIB mondial, l’Afrique n’est responsable que de 4 % de ces émissions.

De nombreuses régions d’Afrique ne sont pas encore industrialisées. Deux personnes sur trois dépendent de l’agriculture, et environ la moitié de la population n’a toujours pas accès à l’électricité. Les défis du développement sont encore plus difficiles si l’on considère que la population du continent devrait doubler d’ici 2050.

Si l’Afrique devait suivre la même approche de l’Occident axée sur les combustibles fossiles pour se développer, les impacts sur le climat seraient catastrophiques. Si les émissions africaines par personne devaient atteindre la moyenne mondiale actuelle, le continent émettrait 12,5 milliards de tonnes de gaz à effet de serre par an d’ici 2050, soit à peu près l’équivalent de toutes les émissions de la Chine et de l’Inde aujourd’hui.

Mais la solution au changement climatique ne peut pas être de retarder le développement et d’ancrer davantage la pauvreté et les inégalités. Alors, comment l’Afrique pourrait-elle s’industrialiser et améliorer l’accès à l’énergie, tout en jouant son rôle dans la dynamique du « zéro émission » ?

Les dirigeants mondiaux omettent de reconnaître les complexités de la transition pour l’Afrique. Dans de nombreux pays, les combustibles fossiles restent la solution la moins chère pour répondre aux défis auxquels ils sont confrontés.

Une bonne nouvelle : de nombreux outils permettent cette transition. L’Afrique est bien dotée en énergies renouvelables, dispose d’un vaste potentiel pour l’énergie solaire et pour l’hydroélectricité à faible coût, comme le barrage d’Inga en RD Congo ; ce projet pourrait alimenter en électricité 20 % du continent.

Il est difficile d’exploiter ces opportunités ; et pour y parvenir, les pays riches doivent devenir des partenaires crédibles pour leurs homologues africains. Et les progrès sont très lents. Douze ans après avoir pris l’engagement de mobiliser 100 milliards de dollars de financement par an pour les pays à faible revenu afin de lutter contre le changement climatique, les promesses n’ont pas été tenues.

Et les plans des pays riches visant à retirer le financement du développement du gaz dans des pays comme le Mozambique peuvent sembler tentants. Pourtant, l’examen des vastes avantages que les revenus du gaz pourraient offrir dans un pays où le PIB par habitant est d’environ 500 $ prouve le contraire. L’hypocrisie des pays riches est évidente car ils continuent de profiter de leurs gisements de gaz et d’utiliser cette ressource comme partie intégrante de leur mix énergétique.

Alors que doit-il se passer ? Premièrement, il est urgent d’intensifier l’action des pays à revenu élevé et à fort taux d’émission. Leur soutien financier est indispensable pour permettre une transition rapide vers une économie à faible émission de carbone en Afrique.

Ce soutien doit être nettement supérieur à 100 milliards $ pour pouvoir combler la différence de coûts entre les technologies respectueuses du climat et les technologies les moins coûteuses. On ne peut pas s’attendre à ce que l’Afrique se rende moins compétitive pour relever un défi dont elle n’est pas responsable.

On doit soit réduire l’extraction de pétrole et de gaz dans les économies développées, afin de permettre à l’extraction de se concentrer autant que possible sur les pays qui en ont le plus besoin ; soit indemniser fortement les pays africains pour qu’ils gardent leurs ressources en combustibles fossiles dans le sol.

Cela signifie des marchés internationaux du carbone efficaces qui offrent aux pays africains de la valeur pour le maintien et la restauration de leurs forêts et de leurs puits de carbone, essentiels à l’humanité. Et cela signifie donner aux économies africaines la possibilité de jouer un rôle de premier plan dans de nouveaux secteurs à faible émission de carbone comme l’hydrogène vert, en ne les excluant pas de ces marchés en croissance rapide.

Avec ce soutien, les pays africains peuvent jouer leur rôle en concevant des plans de « zéro net » qui les mettent sur la voie du zéro émission. L’accélération de la crise climatique signifie que le temps presse, mais il n’est pas trop tard. Cela nécessitera un partenariat solide et un réel leadership, à commencer par les accords conclus lors de la COP26.

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Tony BLAIR

© IC Publications

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