Politique

Houngbo : « La croissance n’est pas une fin en soi »

La 12e réunion régionale africaine de l’Organisation internationale du travail (OIT) se tient actuellement à Johannesburg en présence du Premier ministre togolais, Gilbert Houngbo (photo). Les participants débattent sur le thème du renforcement de l’autonomie économique des peuples africains grâce au travail décent.

L'ordre du jour consiste à examiner les progrès réalisés par les pays de la région dans ce domaine et de fixer les futures actions prioritaires à mener au niveau régional pour l'instauration de l'Agenda du travail décent en Afrique.

Le continent africain reste aux prises avec de redoutables problèmes. Dans toute la région, le rebond modéré de la croissance n’a toujours pas permis de réduire la pauvreté, le chômage et le sous-emploi. Quel sens peut avoir la croissance économique pour la jeunesse africaine si elle ne se traduit pas par des débouchés réels sur le marché du travail ? 

Lors de son intervention, jeudi, M. Houngbo, a souligné que « La réunion de Johannesburg arrive à un moment crucial de l’Afrique qui, en plus des soubresauts internes, doit se prémunir contre les crises d’une économie mondiale exsangue et volatile ».

Le Premier ministre a rappelé les efforts menés par son pays en matière de promotion du travail décent et productif.

« Le Togo est résolument engagé dans la perspective du travail décent », a déclaré M.Houngbo. « le chantier de la protection sociale est ouvert et a connu une nouvelle phase par l’introduction de l’assurance maladie obligatoire dans le paysage social et économique de notre pays. Les explorations techniques sont en cours pour son extension au secteur agricole et à l’économie informelle. Par ailleurs, le renforcement des capacités des populations à la base se poursuit avec comme corollaire, une réorganisation sociale fondée l’esprit de solidarité, de responsabilité commune et de partage des risques. 

Enfin, le dialogue social nous a démontré toute son importance dans la gestion des divers aléas auxquels sont soumis nos pays sur le plan financier et budgétaire ».

Selon le Premier ministre, toutes ces actions contribuent à renforcer le travail décent au Togo.

OUAT

Juan Somavía, le directeur général de l’OIT

M. Houngbo s’était entretenu mercredi avec le directeur Ggénéral de l'OIT, Juan Somavia, qui a félicité le Togo pour ses efforts  en matière de dialogue social et de protection sociale. Il a également promis le soutien de l’organisation au gouvernement. 

Le ministre du Travail, Octave Nicoué Broohm, est également présent à Johannesburg.

Voici le discours prononcé par Gilbert Houngbo le 12 octobre 2011 lors de la réunion régionale de l'OIT

C’est un honneur pour moi de prendre la parole devant cette assemblée représentative des acteurs de l’économie réelle de notre continent pour partager avec vous nos convictions, notre vision et nos expériences.

Mais avant, permettez-moi de remercier le BIT pour l’engagement dont il a toujours fait preuve aux côtés des pays africains dans la construction des politiques de développement avec une croissance économique forte assortie d’un progrès social durable. Je tiens à féliciter particulièrement le Directeur Général, Juan SOMAVIA pour sa sensibilité aux préoccupations des pays en voie de développement en général et des pays africains en particulier.

Je ne puis oublier les partenaires sociaux qui, tous les jours, apportent leur pierre à la construction d’une Afrique moderne, attractive, plus sociale et stable.

Qu’il me soit également permis de remercier les organisations internationales et non gouvernementales qui participent aux cotés du BIT à alimenter les débats sur les grands enjeux de notre temps et de notre continent.

Mesdames et messieurs,

La réunion de cette année arrive à un moment crucial de l’Afrique qui, en plus des soubresauts internes, doit se prémunir contre les crises d’une économie mondiale exsangue et volatile. Dans ces conditions, c’est la conscience de tous les acteurs de développement qui est interpelée. Nous n’avons pas le droit de rester apathiques. Nous devons plutôt nous engager dans des politiques volontaristes qui s’attaquent aux causes profondes des diverses crises qui secouent notre continent et qui ont, entre autres, pour noms : injustice sociale, chômage, pauvreté, précarité, misère, famine, mal gouvernance etc. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les conflits et autres guerres sur notre terre d’Afrique pour comprendre qu’ils résultent pour la plupart de l’injustice sociale et de la mal gouvernance. 

L’Afrique est à la croisée des chemins. Elle doit se pacifier et se prendre en charge totalement. C’est en effet dans un espace sécurisé qu’on peut établir des institutions stables, entreprendre et féconder des activités productives de biens et services susceptibles de stimuler le progrès économique, accroître le bien-être des populations, consolider la bonne gouvernance, la justice sociale et la stabilité. Elle doit réorganiser son économie, réinventer l’entreprise, recréer le marché, redéfinir la production et la consommation. Elle doit repenser les règles de base de la gestion et de la répartition de la richesse.

Pour le faire, il lui faut des canaux, des balises, des phares, bref des concepts porteurs de valeurs, de principes capables de générer une autre Afrique, une Afrique où les femmes et les hommes vivent et construisent ensemble le présent et le futur dans une perspective de justice, de paix, d’égalité et de dignité.

Le travail décent semble aujourd’hui être le concept porteur de ces vertus qui doivent constituer le soubassement de l’ensemble des processus de production des biens et services. Le travail décent, conçu comme un travail productif, réalisé dans des conditions de sécurité, de liberté, d’égalité et de dignité, offre à notre humanité en crise, un levier pour une refondation, pour un nouveau départ.

Processus inclusif de refondation

Réalisé, le travail décent constitue un moyen pour la promotion des individus et des sociétés, mais aussi et surtout, un outil de prévention des crises et des conflits. Le travail décent autorise un partage des responsabilités qui atténue les guerres des classes en créant une vision nouvelle, celle d’une humanité  juste, prospère et équitable.

Mesdames et messieurs,

Cela, nous l’avons compris au Togo et tous les acteurs l’ont ainsi apprécié. Nous nous sommes engagés dans un processus inclusif de refondation socioéconomique qui implique tous les acteurs à travers un dialogue social fécond et productif. Les grands chantiers de développement sont généralement l’émanation d’un consensus entre tous les acteurs, y compris les employeurs et les travailleurs. Le Togo s’est engagé dans un processus de renforcement de son cadre de planification stratégique. L’objectif visé est de mettre en place un système efficace partant de la réflexion prospective pour éclairer les futurs possibles. L’ambition de notre pays est de devenir, dans un avenir proche, un pays résolument tourné vers la modernité, disposant d’une base solide pour développer une économie apte à la compétition internationale et capable de promouvoir un développement durable.

La croissance, nous le savons tous,  n’est pas une fin en soi. L’Afrique a besoin d’une autre croissance, celle-là qui n’est pas essentiellement alimentée par des velléités spéculatrices, celle-là qui n’est pas dictée seulement par la recherche du gain d’une richesse additionnelle essentiellement destinée à la classe des nantis qui ne représente que 5% de la population. Nous devons réorienter nos ressources vers des projets sociétaux plus holistiques. 

Notre objectif, Honorables invités, chers participants, c’est d’abord et avant tout la qualité de la vie et de son amélioration constante. Toutes les stratégies, dans tous les domaines, doivent concourir à préserver et à accroître la qualité de la vie de nos citoyens. Vue comme telle, la démarche économique devra désormais s’entendre comme la prise en charge globale de l’homme et de la femme dans leur milieu et surtout en cohérence avec les exigences morales, philosophiques, culturelles et environnementales. Il doit s’agir d’un développement humain durable.

Mesdames et Messieurs,

Chaque citoyen et citoyenne a droit à un minimum vital. Vous comprenez donc qu’une telle option ne peut que se reposer sur des piliers internes et propres à nos sociétés africaines. Ainsi, les économies de nos pays, le développement de nos nations, tout en entretenant des relations avec le reste du monde, offrira une plage d’autonomie, une assise solide capable de résister contre les contingences de l’économie internationale. Là encore, le travail décent nous propose un chemin. C’est pourquoi je salue le choix du thème général de la réunion qui traite de l’autonomie des peuples africains par le travail décent.

Mesdames et Messieurs, 

Le Togo est résolument engagé dans la perspective du travail décent. Notre Programme Pays pour le Travail Décent (PPTD) signé en octobre 2010 connaît une mise en œuvre encourageante et rassurante. En effet, le chantier de la protection sociale est ouvert et a connu une nouvelle phase par l’introduction de l’assurance maladie obligatoire dans le paysage social et économique de notre pays. Les explorations techniques sont en cours pour son extension au secteur agricole et à l’économie informelle. Par ailleurs, le renforcement des capacités des populations à la base se poursuit avec comme corollaire, une réorganisation sociale fondée l’esprit de solidarité, de responsabilité commune et de partage des risques. 

Enfin, le dialogue social nous a démontré toute son importance dans la gestion des divers aléas auxquels sont soumis nos pays sur le plan financier et budgétaire. Le conseil national du dialogue social mis en place depuis 2007 est l’expression vivante de l’existence  d’une forme de gouvernance, certes exigeante mais efficace de par le consensus qu’elle crée autour des options majeures de développement.

Cette nouvelle approche nous conduit nécessairement à revisiter tous les maillons qui constituent la chaîne de l’emploi, notamment le système de formation, les structures de conception des stratégies de promotion de l’emploi et de l’intermédiation pour les adapter à notre ambition.

Mesdames et Messieurs,

J’aimerais terminer mon propos en partageant avec vous ma conviction quant à l’avenir de notre continent. Nous sommes un grand continent en devenir et rien ne nous empêchera de le devenir. Nous avons des hommes et des femmes capables d’incarner une autre Afrique ; nous avons les ressources morales, philosophiques, et spirituelles à même de nous garantir une stabilité ; nous avons assez de richesses naturelles pour générer une croissance juste et partagée. Ce qu’il nous faut, c’est probablement une claire vision de nos objectifs à moyen et à long terme. Ce qu’il nous faut c’est certainement un sursaut de réalisme stratégique, un positionnement par rapport à nous-mêmes et à ce que nous voulons pour une Afrique debout et fière. Vous avez, en tant qu’acteurs du monde du travail, la noble et pressante responsabilité de participer à la définition de la vision africaine de développement. 

L’Afrique peut renverser les paradigmes établis et mettre la problématique de l’emploi décent au centre de tout processus de recherche de croissance et de développement.

Le travail décent vous propose encore une démarche ; africanisons la, intégrons la et le chemin sera plus facile, l’horizon plus dégagé, les portes de l’espérance ouvertes.

Je vous remercie.

Information additionnelle

Rapport OIT Travail décent.pdf

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