
La Commission «Vérité, justice et réconciliation» poursuit ses étapes régionales pour auditionner témoins et victimes. Elle est depuis mardi à Aného (préfecture des Lacs) où elle se penche, en particulier, sur les violences survenues au Togo avant 2005 et sur l'expropriation de riverains pour permettre l'exploitation des phosphates.
Mgr Nicodème Barrigah, le président de l’institution a invité les habitants d'Aného à adhérer au processus de réconciliation, « seul moyen de donner de l'espoir aux générations présentes et futures ».
La CVJR, créée à l’initiative du président Faure Gnassingbé, est chargée de faire la lumière sur les violences qui ont frappé le Togo de 1958 à 2005.
Voici le discours prononcé par Mgr Barrigah
Honorables invités, tout protocole observé,
La Commission Vérité, Justice et Réconciliation est heureuse de vous souhaiter la bienvenue
au centre Mgr Kuakuvi dont la grande salle va abriter, du 25 au 27 octobre 2011, la phase
opérationnelle des audiences. Mes salutations vont particulièrement aux Organisations de la
Société Civile, aux médias et aux partenaires techniques et financiers qui nous appuient,
notamment le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), le Programme
des Nations Unies pour le Développement (PNUD), la Francophonie, la France, l’Allemagne et
l’Union Européenne.
Au moment où les feux de l’actualité nationale s’allument sur cette ville d’Aného, je
voudrais vous exprimer à vous qui nous entourez ce matin notre gratitude sincère pour votre
présence à nos cotés et votre confiance qui nous réconforte dans notre délicate mission au service
de la Nation.
Lors de la phase des dépositions, nos équipes techniques opérant à partir de l’antenne
régionale d’Aného ont recueilli 910 dépositions ; ces données placent Aného à l’avant-dernière
position en termes de ratio, pour le nombre de dossiers recensés lors des témoignages par
interview. A l’époque, tous les observateurs ont noté que les populations d’Aného étaient quelque
peu sceptiques et réticentes à participer aux travaux de la CVJR. Pourtant à l’examen des dossiers
reçus nous avons vite compris l’ampleur des drames vécus dans cette ville, particulièrement lors
des événements de 2005, ainsi que votre aspiration profonde à la paix et à la réconciliation. Il
nous est apparu qu’en réalité vous ne vous opposez pas à la réconciliation, mais vous vous
demandez si cela est possible après les graves tragédies dont votre ville a été le théâtre. Voilà
pourquoi, en ouvrant ce matin l’étape des audiences dans cette ville meurtrie, je voudrais
renouveler, à l’adresse de tous les coeurs blessés, notre sincère compassion et notre appel à
l’espérance. La CVJR ne désespère pas de sa mission ; elle sait combien la réconciliation est
difficile ; mais elle sait également qu’il s’agit d’une condition incontournable de notre vivre
ensemble.
Mesdames, Messieurs,
Chères Populations d’Aného, des préfectures de Vo, du Bas-Mono et des Lacs,
Nous devons tourner les pages douloureuses du passé qui continuent encore
d’empoissonner notre présent, car notre survie collective en dépend. Toutefois, pour tourner la
page, il faut d’abord la lire pour en tirer les leçons qui s’imposent. Tel est l’objectif des audiences
que nous organisons, depuis le 6 septembre dernier, sur toute l’étendue du territoire national,
notamment dans les villes où se trouvent les antennes régionales de la CVJR, mises en service
depuis août 2010.
Ici à Aného, ces audiences se regroupent essentiellement en deux périodes : les
événements antérieurs à 2005 et les violences consécutives à l’élection présidentielle du 24 avril
2005. Comme lors des étapes précédentes, Lomé, Dapaong, Kara, Sokodé, Atakpamé et Tsévié,
sur la base des dossiers que nous avons sélectionnés et en fonction de la disponibilité des
protagonistes qui auront donné leur accord, nous laisserons la parole aux victimes, aux témoins et
aux auteurs présumés afin qu’ils expriment de vive voix la douleur et la souffrance pour les
violences subies, ou encore le repentir et le regret pour les méfaits commis. Nous accorderons la
parole à tous les protagonistes en espérant qu’ayant écouté et vu la détresse des uns et la
contrition des autres, nous prendrons conscience de la nécessité de bannir la violence de nos
relations communautaires et offrirons le pardon. Notre but ultime, rappelons-le, est de contribuer
à apaiser les coeurs et à mettre fin à l’impunité.
La tâche, je le confesse, est extrêmement difficile mais elle n’est pas impossible; malgré
l’ampleur des violences qui ont meurtri la ville d’Aného, notamment en 2005, nous continuons de
croire que la réconciliation est possible. Je sais que les corps restent encore marqués et les coeurs
blessés par ces drames ; pourtant j’ose espérer que nous trouverons au plus profond de nousmêmes
l’énergie nécessaire pour résister à la vengeance.
En terminant mes propos, je voudrais profiter de cette tribune qui m’est offerte pour
rappeler que le véritable acteur de la réconciliation c’est le peuple tout entier, à qui il revient de
s’engager résolument dans une démarche sincère de changement. La CVJR n’est qu’un instrument
au service de ce projet national. Disons-le encore une fois, la réconciliation ne peut se faire par
procuration ni par délégation ; elle ne peut s’imposer ni se décréter, puisqu’elle est le fruit d’un
engagement personnel à s’élever au dessus de la rancoeur pour tendre à l’autre la main de la
fraternité. Elle est un long processus dont les résultats se situent forcément dans la durée. Elle
est, en définitive, une marche courageuse vers un horizon de confiance renouvelée.
« Ne rêve pas, disait un auteur anonyme, que l’on peut oublier une blessure. Ce n’est pas toujours
possible, et parfois ce n’est même pas une bonne chose. Choisis plutôt d’avancer au-delà du
souvenir vers le pardon ». Choisissons d’avancer ensemble vers le pardon qui libère et apaise.
Mesdames, Messieurs,
Chères Populations d’Aného,
Au nom de mes Collègues ici présents, je voudrais vous assurer de notre détermination à
poursuivre cette mission complexe et délicate qui nous a été confiée, avec la ferme conviction qu’il
s’agit d’une chance offerte à notre Nation pour consolider les bases de son unité. Nous espérons
vivement que les audiences nous permettront de contribuer à cette nouvelle dynamique dont dépend notre salut.
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