Société

Les exciseuses retournent aux champs

Troquer la lame de rasoir contre une houe ou un coupe-coupe: c'est le choix fait depuis quelques années par de nombreuses exciseuses au Togo, incitées par des associations à se reconvertir à l'agriculture. A Alibi (environ 380 km au nord de Lomé), l'un des haut lieux de l'excision, et dans les villages voisins, au moins 500 exciseuses ont franchi ce pas ces trois dernières années, selon des organisations de lutte contre les mutilations génitales féminines.

Sous le soleil, une trentaine d'entre elles sarclent un champ au milieu d'une petite brousse."Nous cultivons surtout le maïs et du haricot", lance une vieille femme, une petite houe neuve en main.

Une autre, assise au milieu de quelques feuilles de manioc, affirme qu'elle a abandonné l'excision car "c'est une mauvaise pratique".

Après 30 ans de "métier", elle a été convaincue par les organisations non gouvernementales (ONG).

"Ils m'ont tout expliqué, surtout les inconvénients. J'étais tellement touchée le jour où ils ont projeté un film sur l'excision. En plus ils m'ont aidé, ils m'ont donné de l'argent pour que je puisse exercer une autre activité", dit-elle.

L'excision, une mutilation traditionnelle des filles consiste, selon les ethnies, en une ablation totale ou partielle du clitoris, des petites et parfois des grandes lèvres à l'entrée du vagin.

Régulièrement, de jeunes filles décèdent des suites de complications, selon les associations qui ne disposent pas de chiffres précis en raison de la clandestinité de l'activité.

Organisées en petits groupes, les anciennes exciseuses d'Alibi ont chacune reçu de diverses associations et ONG, des subventions remboursables de 20.000 à 30.000 francs CFA (30,5 à 45,7 euros) afin de mener pour la plupart, des travaux des champs.

"A travers ces petites activités génératrices de revenus, elles oublient leur ancien +job+. D'autres n'hésitent pas à nous assister pendant nos campagnes de sensibilisation", raconte Mme Ladi Fati Gnon, présidente de Tama'dé, une ONG de lutte contre l'excision.

Le tarif pour une excision varie de 4.000 à 7.000 francs CFA (6,1 à 10,7 euros), accompagnés de tubercules et de noix de kola. Selon l'une des "reconverties", le nombre d'interventions sur un mois variait beaucoup et pouvait s'élever à dix, voire plus.

Wébié, ex porte-parole des exciseuses d'Alibi, âgée de 57 ans, s'est associée à cinq villageois pour cultiver du manioc.

"En août, nous avons fait plus de 250.000 francs CFA (381,10 euros)", se réjouit-elle.

Le groupement de Da-Moni, 49 ans, a lui investi dans la culture du mil et du sorgho et approvisionne désormais les vendeuses de tchoukoutou, une boisson locale.

Sur le plan national, le taux de filles excisées est passé de 10% en 2002 à 6,2% en 2007, selon de récentes statistiques du ministère des Affaires sociales. Mais la vingtaine d'associations et ONG en lutte ne baissent pas les bras pour autant.

"Il existe encore quelques poches de résistance notamment chez les Peuhls, très attachés à cette pratique", reconnaît Mme Gnon.

"C'est un milieu très fermé à toute campagne de sensibilisation. Ces exciseuses Peuhls continuent avec la complicité des parents", regrette-t-elle.

Une loi votée en octobre 1998 par le parlement togolais punit l'excision de peines d'emprisonnement ferme de deux mois à dix ans avec des amendes allant de 100.000 à un million de francs CFA (152,5 à 1.524,5 euros). Mais aucune exciseuse n'a encore été jugée.

"La tradition a une forte influence dans ces milieux. Ce qui fait que personne n'ose dénoncer ces exciseuses", explique Léontine Dajoua, responsable d'une association de défense de droits des femmes.

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