Diplomatie

"L’Europe doit consolider sa relation avec l’Afrique"

Les Etats généraux de l’Europe se sont déroulés samedi à Strasbourg. C’est le grand rendez-vous européen de la société civile
Cette manifestation ouvre les célébrations qui marqueront les 60 ans
de l’acte fondateur de l’unité européenne.
Parmi les thèmes évoqués, culture et valeur européenne, la politique de voisinage, l’Europe dans les médias, emploi, pauvreté, exclusion sociale, etc..
Robert Dussey, le conseiller diplomatique du président du Togo, devait y prendre la parole pour s’exprimer sur le thème « L’EUROPE, LE MAGHREB ET L’AFRIQUE : au-delà des enjeux migratoires et de sécurité, quelles responsabilités communes? ».
Mais Robert Dussey, comme des centaines d’autres passagers, est resté bloqué à Lomé en raison de l’annulation des vols d’Air France.
Sa communication a été lue à la tribune par l’un des organisateurs des Etats généraux.

Voici l’intégralité de son intervention
C’est avec un réel plaisir que je prends la parole devant cette auguste assemblée. Avant de vous faire part de mes réflexions, je voudrais remercier tout d’abord, les organisateurs des Etats généraux de l’Europe, le Mouvement européen et EuropaNova) qui ont demandé à l’Institut Thomas More en partenariat avec ARRI( Association Réalités et Relations Internationales) de se charger de l’organisation de l’atelier consacré aux enjeux internationaux. Le thème de ces états généraux de l’Europe est : l’Europe, le Maghreb et l’Afrique : au-delà des enjeux migratoires et de sécurité, quelles responsabilités communes ?

Le débat et la réflexion actuels sur les enjeux migratoires et de sécurité entre l’Europe et l’Afrique constituent une problématique essentielle et urgente. Essentielle parce que depuis l’indépendance des pays africains en général ou précisément depuis cinquante ans (17 pays africains fête leur cinquantenaire cette année 2010, dont 14 pays francophones), tous les équilibres antérieurs sont remis en question, d’autant plus gravement que l’environnement économique est loin d’être favorable, et qu’une phase d’une « vraie Indépendance politique, économique, culturelle… » S’avère indispensable.
Urgente parce que partout sur le continent, les crises, les massacres se multiplient et dégénérèrent, la pauvreté s’accentue et les populations d’Afrique se voient obliger de fuir leurs pays pour l’Europe afin de travailler et de vivre mieux.
DE LA RESPONSABILITE EUROPEENNE

Les indépendances africaines octroyées à certains pays le plus souvent sous la pression des événements internationaux censés permettre aux peuples de prendre en main leur destin, se révèlent de nos jours, sous leur forme véritable d’indépendances factices. Les puissances Européenne qui on affranchi leurs colonies ont tenu à sauvegarder les intérêts stratégiques fondamentaux. Elles ont préservé leur domination en accordant aux anciens pays colonisés une souveraineté au rabais. La quasi-totalité des anciennes possessions européennes se retrouvent aujourd’hui dépendantes avec des pseudo-Etats, voire des micro-Etats sans consistance. Ces indépendances n’ont pas servi à renforcer l’unité nationale ni à engager l’Afrique dans la voie d’un développement économique viable à long terme. Aujourd’hui, force est de reconnaître que le fossé entre l’Europe et l’Afrique est abyssal. Les guerres qui ensanglantent l’Afrique sont parfois révélatrices à la fois de l’intensité des rivalités qui opposent le plus souvent les puissances européennes entre elles par acteur local interposé pour le contrôle des immenses richesses de l’Afrique et l’inconscience, voire l’irresponsabilité de certains hommes politiques ou dirigeants de cet continent.

DE LA RESPONSABILITE AFRICAINE

L’Afrique est un continent vaste et varié. Les pays qui le composent sont très différents par leur histoire et par leur géographie. Chacun de ces pays a ses réalités propres. Pour pouvoir faire face efficacement aux défis de la migration des populations africaines vers l’Europe, l’Afrique doit surmonter le poids de son histoire ou plus exactement le rapport actuel de ses peuples avec leur propre passé. Tout cela n’est vrai qu’à la condition de savoir entretenir un rapport rationnel avec ce passé, c’est-à-dire une démarche critique et lucide en se débarrassant de tout ce qui, dans le passé, peut effectivement constituer un obstacle à la prise en charge efficace des problèmes migratoires actuels.
Or malheureusement, si notre passé ne nous sert pas tout simplement d’alibi pour essayer de faire porter par les autres le chapeau de nos propres échecs, c’est très souvent ce que nous en retenons dans nos façons de vivre, de penser et d’agir nous empêchant de nous hisser à la hauteur des exigences que la vie dicte actuellement à tous les peuples.

Est-il raisonnable par exemple, qu’après plus de cinquante années des indépendances, les populations africaines vivent encore dans une extrême pauvreté, sans eau potable, sans des hôpitaux descends, etc. alors que nos pays sont potentiellement riches ? Comment expliquer des comportements de certains de nos compatriotes africains qui consistent à dépenser des fortunes pour immigrer en Europe par tous les moyens, alors qu’ils sont démunis et que la crise de financement de nos économies dont une des raisons se trouve dans la faiblesse de l’épargne locale, dicte impérativement plus de rigueur et de discernement pour notre développement.

Tenons-nous à ces quelques exemples, puisque la liste serait finalement trop longue, de tous les archaïsmes historiques qui parasitent actuellement les comportements et les mentalités dans nos pays et freinent leur marche en avant, et dont les raisons ne sont parfois à chercher nulle part ailleurs que dans un mauvais rapport du passé. Il nous faut nous démettre de cette tendance à vivre le passé comme un éternel fardeau qui condamnerait davantage à la vanité toute tentative de nous libérer de ce que son legs pourrait comporter de facteurs d’impréparations à la vie actuelle.
Souligner ici le poids de nos propres responsabilités dans la situation peu enviable de l’Afrique ne signifie nullement au demeurant, qu’il faille biffer d’un trait de plume, l’héritage que nous a légué le colonialisme.

C’est un fait, quelles que soient les raisons que l’on puisse invoquer, que nous ne travaillons pas assez en Afrique. En tout cas, nous ne travaillons pas comme nous devrions le faire, pour pouvoir espérer nous retrouver au plus vite parmi les peuples les plus avancés du monde. Nous sommes incapables de nous prendre en charge et incapables de résoudre, par nous mêmes, les problèmes les plus élémentaires de notre survie quotidienne. Nous nous contentons de la mendicité pour développer notre continent. Ce qui nous empêche aujourd’hui d’accomplir des pas tangibles réellement significatifs, dans la lutte contre la pauvreté, au-delà du lourd passif historique que nous ont légué l’esclavage et la colonisation dont le continent cherche encore à se sortir, c’est notre comportement et surtout la compréhension que nous donnons de la conduite des affaires publiques.

S’il est vrai que nous ne produisons pas assez de richesses pour pouvoir faire face aux taches urgentes que nous dicte la mondialisation, il nous parait que le peu que nous produisons est le plus souvent mal géré. L’Appareil d’Etat dans certains pays en Afrique fonctionne la plupart du temps sur le mode prébendier, parasitaire, c’est-à-dire sur le mode d’un prélèvement d’une rente redistribuée entre les segments de l’élite au pouvoir. Un certain nombre d’Etats africains s’appuie sur un régime politique centralisé et personnel basé sur une gestion patrimoniale des biens publics. Pour gouverner certains dirigeants encouragent le népotisme, le clientélisme multiforme d’ordre politique, ethnique, affairiste, tribalo-régionaliste, confessionnel… etc, dont le trait commun est le caractère prédateur qui consiste à répartir les responsabilités publiques et les avantages politiques et matériels afférents non pas sur la base de la compétence et du mérite mais plutôt sur celle de la parenté ou de l’allégeance.

La mise en place des stratégies de développement économique et social inefficaces, la mauvaise gestion de nos économies, conjuguée à de multiples chocs extérieurs feront le lit d’une double crise du développement et du poids de l’endettement. La seule alternative pour certains dirigeants africains qui ont conduit leurs pays au bord de la ruine est de se tourner vers la communauté internationale. Les conséquences sont devenues tellement désastreuses que les bailleurs de fond ont engagé contre certains régimes africains une croisade mondiale nommée » bonne gouvernance ».

RESPONSABILITES COMMUNES

L’Europe et l’Afrique sont liées par l’histoire, la géographie et une vision commune, au-delà des problèmes migratoire et de sécurité, d’un avenir pacifique. Les deux continents sont liés par des relations commerciales solides, qui font de l’Union Européenne le plus grand marché d’exportation des produits africains. 85% environ des exportations africaines de coton, de fruits et de légumes sont destinées à l’Union Européenne. L’Europe et l’Afrique sont aussi liées par des flux d’aide substantiels et prévisibles. L’Union Européenne est le plus important donateur de l’aide publique au développement.

La coopération entre l’Union Européenne et l’Afrique s’appuie désormais sur les progrès importants accomplis par les africains eux-mêmes. Le nouveau partenariat est fondé sur le droit international et les droits de l’homme, l’égalité et la responsabilité mutuelle. La vision de cette coopération repose sur le principe de la maîtrise de son destin : les africains eux mêmes.

-L’Union Européenne œuvre avec les institutions africaines telles que l’Union Africaine, la CEDEAO, la CEMAC, la SADEC… pour parvenir et régler les conflits par la médiation, en s’attaquant à leur causes profondes, et pour maintenir la paix sur le continent africain.
- pour assurer le succès du développement, un soutien important est donné pour assurer la protection des droits de l’homme, soutenir les programmes de bonne gouvernance, soutenir la lutte contre la corruption.
CONCLUSION

L’Europe a tout intérêt à ce que la paix, le développement et la sécurité règnent en Afrique et que celle-ci soit prospère et démocratique. L’Europe doit consolider sa relation avec l’Afrique à travers les fondamentaux que sont : l’égalité, le partenariat et l’appropriation. Le succès de cette coopération dépendra à la fois de la capacité de l’Europe à cimenter les liens entre les deux continents au-delà de l’interaction politique, économique, culturelle…etc, et la responsabilité des dirigeants politiques africains à œuvrer pour la bonne gouvernance politique et économique.

L’Union Européenne doit respecter son engagement collectif à l’aide publique ou développement, soutenir les institutions financières internationales à annuler l’encours de la dette … etc., aider à intégrer pleinement l’Afrique dans le système commercial mondial, investir dans la personne humaine.

Notre sécurité commune en dépend.

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