L'Afrique, très durement frappée elle aussi par la crise financière, a condamné mercredi son isolement international et réclamé une voix au chapitre, alors que le G20 se réunira en fin de semaine à Washington pour tenter de réformer le système financier international.
Les ministres des Finances et gouverneurs des Banques centrales de 35 pays africains étaient rassemblés à Tunis mercredi pour évoquer l'impact de la crise. Le ministre de l'Economie et des Finances du Togo, Adji Othéth Ayassor (photo), participe aux travaux."Nous sommes réunis aujourd'hui pour un conseil de guerre", a ainsi lancé le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Jean Ping.
Récusant les préjugés d'une "Afrique toujours à la traîne", il a regretté que le continent n'ait "pas été réellement invité aux travaux du G20, ni associé un tant soit peu à leurs préparatifs".
Et d'ajouter: "nous sommes aussi en guerre contre nous-mêmes (...), notre silence assourdissant, notre lenteur à nous organiser (...) en front uni".
La réunion, co-organisée par la Banque africaine de développement (BAD), l'Union africaine et la Commission économique pour l'Afrique de l'ONU (CEA), entend faire des propositions pour la réforme du système financier international.
Samedi, le sommet du G20 convoqué par le président américain George W. Bush se fera avec, comme unique représentant du continent, l'Afrique du Sud, "alors qu'il s'agit de décider de l'avenir (...) des 850 millions" d'Africains, a encore protesté M. Ping.
Le président de la Commission de l'UA a appelé les organisateurs du sommet à considérer "le droit de l'Afrique d'apporter sa contribution à la construction du monde de demain", saluant "en exemple" la démarche européenne initiée par le président français Nicolas Sarkozy pour la recherche de solutions globales.
L'Union européenne était représentée par le secrétaire d'Etat français à la Coopération, Alain Joyandet, "venu écouter le message de l'Afrique pour le répercuter au G20 , a-t-il dit.
"C'est un message d'inquiétude pour l'avenir", a-t-il affirmé, annonçant la tenue d'une conférence pour un plan de relance de l'agriculture en Afrique les 8 et 9 décembre à Paris.
L'ensemble des intervenants ont de facto dressé un tableau morose pour le continent noir.
Le président de la BAD, le Rwandais Donald Kaberuka a fait état de "perspectives économiques (...) désormais très sombres", constatant des difficultés d'accés aux ressources financières.
"Avant la crise, l'économie de notre continent progressait au taux moyen annuel de 6,5%. Ce taux serait maintenant ramené à 5%", a-t-il indiqué.
"Les pays fragiles et enclavés auront plus de mal à préserver leurs performances économiques", a-t-il ajouté, jugeant "impérieux pour les pays riches de donner un coup de fouet à l'économie et de restaurer la confiance".
"Des millions de pauvres attendront de voir si les intérêts de tous sont pris en considération", a-t-il martelé, citant le maintien du développement et de la lutte contre la pauvreté "au centre des préoccupations", ainsi que le respect des engagements pour l'aide publique au développement.
Le chef de la Commission économique africaine de l'ONU, Abdoulie Janneh, a admis pour sa part craindre de "graves implications de la crise à court et moyen termes" pour l'Afrique.
Il a enfin proposé de soutenir l'Afrique du Sud, seul pays émergent du continent à siéger au G20, jugeant "impératif" que Johannesbourg "soit en mesure d'exprimer la voix de l'Afrique" à Washington.
Le Premier ministre tunisien, Mohamed Ghannouchi, dont le pays abrite le siège provisoire de la BAD, a souhaité lui aussi que l'Afrique "puisse être écoutée et ses attentes trouver un écho auprès des grands décideurs".
La réunion devait s'achever mercredi soir par une déclaration reflétant "l'inquiétude de l'Afrique et son exigence d'être écoutée", selon une source proche de la réunion.