Stratégique et vital pour le Togo, le secteur du phosphate, premier produit d'exportation du pays, est aujourd'hui sinistré: la production de ce minerai a chuté de plus de moitié en dix ans. Selon les chiffres du ministère des Mines, la production de phosphate brut est passée de 5,4 millions de tonnes en 1997 à 2,4 millions en 2006.
Pendant cette même période allant de 1997 à 2006, la production totale s'est montée à 28,7 millions de tonnes contre 51,8 millions entre 1987 et 1996."Le secteur traverse une période très difficile. Les machines sont vieilles, d'autres sont tombées en panne, et celles qui fonctionnent ne sont pas entretenues depuis 1986", confie Etienne Atsu Ata, le directeur du département des mines.
"L'activité n'est plus rentable depuis plus de dix ans en raison de l'état de dégradation avancée des machines et autres matériels, alors que les charges fixes n'ont pas diminué", confirme un responsable du syndicat national des mines (Synem) sous couvert de l'anonymat.
Le phosphate, qui emploie aujourd'hui quelque 2.500 personnes, a été découvert au Togo en 1952. Cinq ans plus tard, l'extraction et la commercialisation ont été confiées à la Compagnie togolaise des mines du Bénin (Ctmb), une société dont l'Etat togolais ne détenait que 35% du capital.
En 1974, la Ctmb sera nationalisée avec la création de l'Office togolais des phosphates (OTP).
"Les ressources ont été mal gérées et l'Office a été confronté à des détournements", affirme le responsable du Synem.
Conséquence de cette mauvaise gestion, l'OTP a été contraint en 2002 d'ouvrir son capital à des partenaires tunisiens, donnant ainsi le jour à un nouveau groupe, l'International Fertilizers Group (IFG-Togo).
"Cette société n'a pas honoré ses obligations. L'Etat veut repartir sur de nouvelles et saines bases en raison du poids du phosphate dans l'économie nationale" (environ 40% des recettes d'exportation), confie un ministre sous couvert de l'anonymat.
Le 14 mai dernier, le gouvernement a finalement décidé de dissoudre IFG-Togo et de créer la Société nouvelle des phosphates du Togo (SNPT).
La SNPT est une "société étatique qui sera dotée d'une gestion rigoureuse et transparente", précise le même ministre, laissant entendre cela n'avait probablement pas toujours été le cas.
Le monde du phosphate est "assez opaque", estime de son côté un diplomate à Lomé.
"L'incapacité de l'OTP puis de IFG-TOGO à remplir leurs obligations a conduit à une situation sinistrée de notre industrie phosphatière", a reconnu le conseil des ministres le 14 mai.
Selon des services techniques du ministère des Mines, l'Etat devra investir plus de 30 milliards de F.CFA (46 millions d'euros) pour la réhabilitation des machines et autres matériels.
"Des discussions sont en cours avec la Banque Islamique de développement pour aider le Togo à sauver son phosphate", a indiqué un responsable du ministère des Finances.
Mais au-delà des difficultés financières, la SNPT devra également faire face aux délestages d'électricité, prévient un responsable du service de maintenance du matériel d'extraction et de traitement.
Le Togo traverse depuis avril 2006, une crise énergétique sans précédent depuis 1998 qui pénalise tous les secteurs d'activité.