Depuis plusieurs semaines des centaines de poids lourds font la queue aux frontières du Niger pour... se faire peser. Entraînant une flambée des prix et une pénurie de produits de base, notamment le pain. Tout commence en janvier lorsque le gouvernement décide d'appliquer strictement une directive de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) sur la pesée obligatoire aux frontières des camions, la plupart du temps bourrés de marchandises jusqu'à la gueule.
Conséquence, des centaines de poids lourds chargés de produits alimentaires et de matériaux de construction attendent patiemment leur tour aux postes de contrôle de Dosso (sud) proche du Bénin et Makalondi (ouest) vers la frontière du Burkina Faso.Le Niger est totalement enclavé et le transport terrestre est donc vital pour approvisionner le pays à partir des ports béninois, ghanéens, togolais et ivoiriens.
Pour justifier la mesure, le ministre de l'Equipement Lamido Moumouni a indiqué lundi que sur les 16.000 camions pesés depuis janvier, 13.000 étaient en surcharge et certains transportaient 110 tonnes de marchandises au lieu des 58 autorisées.
Selon lui, ces camions alourdis détruisent en quelques années des routes prévues pour durer 15 ans et le gouvernement doit emprunter pour les réparer.
Tout contrevenant doit payer une amende de 20.000 à 60.000 francs CFA (30 à 90 euros) pour chaque tonne de trop. Selon M. Moumouni, 258 camions dont les propriétaires refusent de payer sont actuellement à l'arrêt à Makalondi.
A ceux-là s'ajoutent les poids lourds immobilisés dans les files d'attente pour la pesée et au total, "378 camions sont bloqués depuis la semaine passée à Makalondi", affirme Djibo Oumarou du Syndicat des transporteurs routiers, qui s'insquiète de la "montée de l'insécurité et des vols" sur les aires de stationnement.
"Si cette situation perdure, elle pourrait conduire à une pénurie et au renchérissement des produits de première nécessité", avertit de son côté le président de la Chambre de commerce, Idi Ango Omar.
A Niamey, le pain se fait déjà rare faute de farine, selon Daouda Tangama, de l'association des boulangers.
Sur les principaux marchés, les céréales de base (maïs, sorgho et riz) ont grimpé récemment de 11 à 18%, ont déclaré des commerçants.
Le ministre du Commerce, Halidou Bagué, affirme lui que "seuls le sucre et la tomate" ont augmenté.
Pour Nouhou Arzika, président de l'Organisation des consommateurs du Niger (Orconi), la mesure est tout simplement "absurde" pour un pays qui importe 80% de son fret par la route, notamment depuis le Togo, et il appelle à la mobilisation pour la faire annuler. Mais les autorités entendent au contraire multiplier les bascules, notamment à la frontière avec le Nigeria.
La colère monte aussi chez les conducteurs, déjà victimes du racket, qui menacent désormais de boycotter les routes nigériennes.
"J'ai quitté le Togo via le Burkina, il n'y a qu'au Niger qu'on demande à peser mon chargement", peste un camionneur togolais.
Le président de la Commission économique du parlement, Sanoussi Jackou, regrette que le Niger soit le seul des huit Etats membres de l'Uémoa à appliquer cette décision communautaire et reproche aux autorités d'avoir agi "sous la pression" de l'Union européenne, leurs partenaires pour les infrastructures routières.
Selon l'opposant Sabo Saïdou, c'est surtout une occasion pour l'Etat de renflouer ses caisses et pour des fonctionnaires "de se remplir les poches".