La Cour constitutionnelle du Togo s'est prononcée mercredi sur la requête des députés de l'UFC (opposition) qui avaient saisi l'institution le 26 octobre dernier à propos de l'immunité parlementaire dont bénéficierait Kpatcha Gnassingbé. Le député est accusé d'attentat contre la sûreté de l'État, groupement de malfaiteurs, rébellion, violences volontaires avec usage d'armes à feu et complicité de violences volontaires ».
Fondant sa décision sur la constitution et sur le règlement intérieur de l'Assemblée nationale, la Cour à jugé irrecevable la requête de l'UFC.Voici sa décision
AFFAIRE: Saisine des députés de l'Union des Forces de changement (UFC)
DÉCISION N°C-006/09 du 04 novembre 2009
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
LA COUR CONSTITUTIONNELLE
Saisie par requête en date du 26 octobre 2009, enregistrée le 27 octobre 2009 au greffe de la Cour sous le n°011-G, par laquelle les députés du parti politique dénommé Union des Forces de Changement (UFC) demandent à la Cour de constater le dysfonctionnement des institutions judiciaire et parlementaire et d'ordonner leur « redressement » ;
Vu la Constitution du 14 octobre 1992 ;
Vu la loi organique n°2004-004 du le` Mars 2004 sur la Cour constitutionnelle ;
Vu le règlement intérieur de la Cour adopté le 26 janvier 2005 ;
Vu le règlement intérieur de l'Assemble nationale adopté le 22 novembre 2007 ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Considérant que les requérants demandent à la Cour de constater et de
procéder au « redressement » du dysfonctionnement des institutions judiciaire et parlementaire ;
Considérant que le député Kpatcha GNASSINGBE a été arrêté le 15 avril 2009, inculpé et placé sous mandat de dépôt ;
Considérant que le député Kpatcha GNASSINGBE est poursuivi pour « tentative d'attentat contre la sûreté de l'État, groupement de malfaiteurs, rébellion, violences volontaires avec usage d'armes à feu et complicité de violences volontaires » ;
Considérant que l'article 104, alinéa 1 de la Constitution énonce que « la Cour constitutionnelle est la juridiction chargée de veiller au respect de la Constitution » ;
Que l'article 99 de la Constitution dispose in fine que la Cour constitutionnelle « est l'organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l'activité des pouvoirs publics »;
Considérant que l'article 53 de la Constitution du 14 octobre 1992 dispose que « les députés et les sénateurs jouissent de l'immunité parlementaire ;
Aucun député, aucun sénateur ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou des votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions, même après l'expiration de son mandat ;
Sauf le cas de flagrant délit, les députés et les sénateurs ne peuvent être arrêtés ni poursuivis pour crimes et délits qu'après la levée, par leur Assemblée respective, de leur immunité parlementaire ;
Toute procédure de flagrant délit engagée contre un député ou contre un sénateur est portée sans délai à la connaissance du bureau de leurs Assemblées. Un député ou un sénateur ne peut, hors session, être arrêté sans l'autorisation du bureau de l'Assemblée à laquelle il appartient. La détention ou la poursuite d'un député ou d'un sénateur est suspendue si l'Assemblée à laquelle il appartient le requiert » ;
Considérant que l'article 78 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale dispose que « l'immunité parlementaire peut être levée dans les cas
ci-après :
Cas de délit ou crime flagrant lorsque le député, auteur, co-auteur ou complice de l'infraction poursuivie, aura déjà été ou non arrêté ou détenu; Cas de délit ou de crime lorsque des poursuites doivent être engagées contre le député, auteur, co-auteur ou complice d'une infraction ; Cas de délit ou de crime lorsque des poursuites engagées contre le député, auteur, co-auteur ou complice d'une infraction sont provisoirement suspendues »;
Que l'article 79, alinéa 1 dudit Règlement intérieur énonce également que « la demande de levée de l'immunité parlementaire est adressée par l'autorité judiciaire au Président de l'Assemblée nationale »;
Que les articles 53, alinéa 3 de la Constitution et les articles 78 et 79 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale précisent donc la procédure à suivre pour la levée de l'immunité parlementaire d'un député ;
Considérant toutefois que la Constitution du 14 octobre 1992 dispose en son article 104, alinéa 4 que « les lois peuvent, avant leur promulgation, lui être
déférées par le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l'Assemblée nationale ou un cinquième (115) des membres de l'Assemblée
nationale » ;
Que, de cet article, il résulte qu'un cinquième (1/5) des membres de l'Assemblée nationale ne peut saisir la Cour que dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois ;
Que les requérants ne peuvent donc fonder leur saisine sur l'article 104, alinéa 4 de la Constitution ;
Considérant par ailleurs que l'article 36 de la loi organique n° 2004-004 du lei mars 2004 sur la Cour constitutionnelle dispose qu'« en cas de conflit de compétence entre les institutions de l'Etat, la Cour constitutionnelle est saisie par la plus diligente des institutions concernées »;
Qu'à cet égard, aux termes de l'article 37 de ladite loi, « la requête écrite est adressée au Président de la Cour constitutionnelle par le représentant légal de l'institution requérante... » ;
Qu'il résulte de ces dispositions que la Cour ne peut être saisie que par les représentants légaux d'institutions notamment le représentant légal de l'institution la plus diligente ;
Considérant enfin que l'article 3 du code de procédure civile dispose que «l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé »;
Considérant que les attributions de la Cour constitutionnelle et les conditions de sa saisine sont définies par la Constitution et la loi organique sur
la Cour et non par le code de procédure civile qui est applicable aux seules juridictions de l'ordre judiciaire ;
Qu'ainsi le recours formulé par l'Union des Forces de Changement (UFC) n'est pas recevable.
DECIDE
Article 1: La requête des députés de l'Union des Forces de Changement (UFC) est irrecevable ;
Article 2: La présente décision sera notifiée à l'Union des Forces de Changement (UFC) et publiée au Journal officiel de la République togolaise.
Délibérée par la Cour en sa séance du 04 novembre 2009 au cours de laquelle ont siégé : Mme et MM. Aboudou ASSOUMA, Président, Mama-Sani ABOUDOU-SALAMI, Chef Améga Yao Adoboli GASSOU IV, Ablanvi Mèwa HOHOUETO, Mimpab NAHM-TCHOUGLI, Arégba POLO et Koffi TAGBE.
Suivent les signatures
POUR EXPEDITION CERTIFIEE CONFORME
Lomé, le 4 novembre 2009
Le Greffier en Chef
Me Mousbaou DJOBO