Le ministre de l'Urbanisme et de l'Habitat, Issifou Okoulou Kantchati, dresse un constat sévère de la situation environnementale au Togo qui entrave le développement des villes : déchets ménagers non traités, eaux usées ou huile de vidange déversées dans les rues, occupation anarchique des zones urbaines, source d'inondations, absence de transports publics ; et cette liste n'est pas exhaustive.
A l'occasion de la Journée de l'Habitat, qui se déroule lundi, le ministre a pointé du doigt les problèmes qui affectent les grandes villes, dont Lomé.A cela s'ajoute la hausse des loyers et la question des titres de propriété -un même terrain pouvant être réclamé par plusieurs propriétaires – un frein évident à la construction de nouveaux logements.
« Il est fondamental que la planification remplisse pleinement son rôle en orientant le développement urbain dans toutes ses dimensions, à savoir spatiale, environnementale, socioculturelle et écologique », affirme Issifou Okoulou Kantchati.
Voici le discours du ministre
Instituée depuis 1985 par l'Assemblée Générale des Nations Unies, la Journée Mondiale de l'Habitat est célébrée, chaque année, le premier lundi du mois d'octobre.
Ce lundi 05 octobre 2009, la Communauté Internationale la célèbre pour la 24ème fois consécutive.
Le thème retenu pour la célébration, cette année est "Planification de notre avenir urbain". Ce thème est très évocateur de ce que, dans plusieurs parties du monde, les méthodes de planification ont très peu évolué et constituent, à coup sur, l'une des causes des grands problèmes urbains au lieu d'être des outils d'amélioration des conditions de vie de l'homme et de son environnement.
C'est un fait que l'attrait qu'exerce la ville sur son environnement est à la base des problèmes qu'elle connait.
Il n'est donc point besoin de démontrer que l'immigration galopante, conséquence de l'attrait des villes est source de nombreux problèmes urbains notamment :
- l'insalubrité : Nos villes souffrent d'une insalubrité repoussante ; des espaces vitaux sont parfois colonisés par des déchets ménagers et autres pneus usés et ferrailles ; dans certains quartiers les eaux usées sont déversées directement dans la rue, les boues de vidange faute de sites de décharge appropriés sont disséminés à travers champs et bosquets à la lisière des agglomérations.
- les occupations anarchiques des zones urbaines, sources des inondations périodiques avec l'accroissement des problèmes sanitaires ;
- l'inorganisation du transport urbain de moins en moins efficace mais couteux et poluant ;
Face au phénomène décrit ci-dessus, la question posée aux spécialistes des villes est de savoir si la planification dans sa forme actuelle a-t-elle échouée ? Et, le cas échéant, par quelle autre méthode faut- il la remplacer ? Mais, au fond, pourquoi aurait- elle échoué ? Telle est la problématique.
De nombreuses raisons peuvent expliquer l'échec de la planification urbaine parmi lesquelles :
- Son effet limité sur les intérêts divergents des promoteurs immobiliers, le secteur privé et les citoyens pris individuellement,
- La menace qu'elle pourrait constituer pour certains intérêts économiques puissants ;
- L'appréciation très relative de la notion d'intérêt public par les diverses catégories d'acteurs urbains ;
- La formation insuffisante ou inadaptée des planificateurs face aux nouveaux défits urbains ;
- L'implication insuffisante des groupes communautaires et des citadins en général ;
- La dispersion entre plusieurs administrations des autorités chargées de la mise en oeuvre des plans ;
- Le manque de réalisme des plans en raison des ressources qu'ils impliquent ;
- L'insuffisance, au plan local, de ressources humaines et techniques nécessaires à l'appropriation et à la mise en oeuvre des plans ;
Toutes ces raisons pourraient nous amener à nous interroger sur le rôle de la planification urbaine dans ce nouveau siècle. En effet, aujourd'hui plus de la moitié des 6 milliards d'âmes qui peuplent notre planète résident dans les villes et si l'on ne s'intéresse qu'à cette population urbaine, on estime qu'une personne sur trois vit dans ce qu'il est convenu d'appeler "bidonvilles".
En Afrique sub-saharienne, plus de 250 millions d'individus résideraient dans des bidonvilles où ils font face quotidiennement à des défis insurmontables :
- Sous l'effet de la pression démographique en milieu urbain, les logements sans eau ni électricité, de sucroit dépourvus de la moindre installation sanitaire se sont multipliés dans les grandes villes ; malgré cela l'inflation sur les loyers d'habitation ne connaît guère de pause.
- Insécurité foncière : c'est un véritable parcours du combattant pour immatriculier une propriété au régistre foncier de la République togolaise ; il s'agit pourtant d'un document indispensable pour financer son logement. A cela il faut ajouter les doubles ventes de terrains opérées par les propriétaires avec la complicité des géomètres.
- Le chômage endémique avec pour conséquence la pauvreté de plus en plus prononcée ;
A cette liste qui est loin d'être exhaustive, il convient d'ajouter désormais les inondations récurrentes qui drainent avec elles leur lot de "refugiés écologiques".
La planification a-t-elle définitivement échoué et faut-il la remplacer par une autre fonction ?
En réalité, rien ne saurait la remplacer car elle constitue le fruit de notre capacité humaine à faire des prévisions. Au fur et à mesure que le monde s'urbanise, il est important que la planification remplisse dûment son rôle en orientant le développement urbain dans toutes ses dimensions : spatiale, environnementale, socio-culturelle et économique.
La planification doit continuer de s'adapter de façon à assumer une mission nécessaire et efficace pour façonner positivement l'avenir urbain.
Pour notre part, le gouvernement, sous la houlette de Son Excellence, Monsieur le Président de la République conscient du problème, a initié une nouvelle politique du développement urbain : l'adoption le 24 juin 2009 de la politique nationale du secteur de l'habitat qui vient compléter de manière fonctionnelle la déclaration de politique du secteur de l'urabnisme adoptée en 2001.
C'est pourquoi, je saisis cette heureuse occasion pour féliciter le Président de la République, qui a pris la décision de créer un Ministère en charge de l'Urbanisme et de l'Habitat, secteur, naguère, brillant par son instabilité. Cette autonomie retrouvée, vient renforcer et coordonner les actions de l'ensemble des institutions.
C'est cette nouvelle politique urbaine que j'ai l'honneur de lancer officiellement à l'occasion de la célébration de cette Journée Mondiale de l'Habitat de 2009.
Toutes ces actions illustrent parfaitement la détermination du gouvernement à oeuvrer à l'amélioration du cadre de vie de nos populations. Cependant, ces mesures ne pourront aboutir aux résultats escomptés que si nous nous mobilisons tous ensemble pour soutenir les actions engagées dans ce sens. En effet, l'incivisme de nos concitoyens a conduit à fausser l'harmonie architecturale de nos villes et le non respect des normes urbanistiques. C'est que l'autorité publique complaisante a pendant longtemps fait preuve de laxisme dans l'application des lois et règlements relatifs à l'urbanisme.
C'est pourquoi je lance un vibrant appel à nos populations pour une prise de consience de la nécessité d'accompagner le gouvernement dans sa démarche en adoptant un comportement citoyen dans l'occupation de l'espace urbain par un résolu engagement à :
- respecter les textes régissant l'urbanisme et l'habitat,
- éviter l'occupation des réserves administratives, les emprises de voiries, des lits des cours d'eau et des zones inconstructibles, principale source d'inondations dans les villes en général et Lomé en particulier.
Dans tous les cas l'Etat est prêt à assumer ses responsabilités. A la présente session parlementaire, le gouvernement va soumettre à l'Assemblée Nationale un projet de loi portant sur les modalités de gestion des réserves administratives et du domaine privé de l'Etat. Le Gouvernement est contraint de sévir face à l'occupation illégale du patrimoine public ; ledit projet de loi organise aussi les relations entre l'Etat et les victimes d'expropriation.
Mesdames et Messieurs,
Le gouvernement s'engage à poursuivre les efforts déjà entrepris en vue de l'éradication de la pauvreté en milieu urbain à travers :
• Premièrement, la maîtrise du processus d'urbanisation par l'actualisation et l'élaboration des outils de planification notamment :
- les schémas directeurs d'urbanisme et
- les plans d'urbanisme de détails des villes ;
• Deuxièmement, l'élaboration de schémas directeurs des villes de plus de 5000 habitants et la poursuite des travaux entrepris dans le cadre du Projet de Développement Urbain (PDU) aux autres villes de notre pays ;
• Troisièmement, l'adoption d'une nouvelle politique de logement axé sur la réorganisation du secteur, l'amélioration du parc immobilier existant et une meilleure mobilisation des ressources ; fondamentalement il s'agit d'améliorer le parc immobilier en quantité et en qualité. Pour ce faire, le gouvernement ayant tiré les leçons des expériences passées, veut donner la primauté à la promotion immobilière par le secteur privé. C'est pourquoi un projet de loi relative à la promotion immobilière sera soumis à l'Assemblée Nationale dans les prochains jours. Ce projet de loi a pour objet l'organisation des relations entre le maître d'ouvrage et le promoteur immobilier ; il détermine également la contribution de l'Etat en termes d'avantages fiscaux à octroyer aux promoteurs immobiliers.
Le gouvernement espère ainsi que les dispositions avantageuses de la loi cumulées avec l'institution à compter de l'année 2010 de la quinzaine de l'habitat deux fois par an auront pour effet de relancer l'économie du secteur du bâtiment. De plus l'objectif de réduction de moitié du délai observé aujourd'hui pour l'obtention d'un titre foncier serait un bon catalyseur de cette relance.
Par ailleurs le Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat, à travers ses diverses structures, se mobilise pour la mise au point d'instruments juridiques devant régir le secteur de l'urbanisme et de l'habitat. Il s'agit, entre autres, de la réglementation des loyers d'habitation et baux commerciaux, de l'élaboration des codes du foncier et de la construction.
C'est encore le lieu de témoigner la gratitude du gouvernement à tous les bailleurs de fonds qui accompagnent le Togo, surtout l'ONU - HABITAT, dont les appuis techniques et financiers ne nous ont jamais fait défaut dans la mise en Œuvre de notre politique dans le secteur de l'Habitat.
Notons, pour terminer, que Le thème de cette année ''planification de notre avenir urbain'' s'inscrit dans une démarche futuriste. Que seront nos villes dans quinze (15) ou vingt-cinq (25) ans voire cinquante (50) ans ?
En d'autres termes comment projetons-nous l'avenir de nos villes compte tenu de la population urbaine toujours croissante ? La prospective dans ce domaine n'est pas aisée. Toutefois, le ministère de l'urbanisme et de l'habitat entend explorer d'ores et déjà les pistes suivantes :
1. rendre les villes plus fonctionnelles du point de vue du transport urbain : il s'agit d'améliorer la circulation dans les villes afin de réduire les pertes de temps occasionnées par les embouteillages ;
2. les villes pourvoyeuses d'emplois dans l'objectif de réduction de la pauvreté ;
3. les villes offrant des garanties de sécurité ;
4. les villes agréables et conviviales avec des facilités d'accès aux centres de santé, à la culture, aux sports et aux loisirs etc.
C'est donc ces sur réflexions que je déclare ouvertes les manifestations marquant la célébration de la 24ème Journée Mondiale de l'Habitat.
Vive la Journée de l'Habitat et vive le TOGO.