Société

L'Afrique blanche est devenue réalité

L'Afrique est devenue une "plate-forme de redistribution" des drogues entre pays producteurs et pays consommateurs, bénéficiant notamment d'une capacité insuffisante des polices et douanes locales à lutter contre les narco-trafiquants, estiment des experts. La découverte jeudi par la marine française de trois tonnes de cocaïne sur un bateau dans les eaux internationales du golfe de Guinée, moins de dix jours après l'interception de 2,5 tonnes de cocaïne au large du Liberia et la saisie au Togo de 49,3 kg de cocaïne et d'héroïne en deux mois confirme le rôle de plaque tournante de l'Afrique dans le trafic de drogues.

Moins surveillé par les polices et les douanes locales que d'autres régions du globe, le continent noir assure le transit de quantités de plus en plus importantes de cocaïne d'Amérique du Sud, d'héroïne afghane ou d'éphédrine, qui sert à fabriquer des drogues de synthèse.Elles sont ensuite redistribuées vers l'Europe et les Etats-Unis, relève Philippe Delassale, patron du renseignement à la direction des douanes à Paris.

Pour la cocaïne, "la tendance la plus inquiétante c'est l'augmentation du transit par l'Afrique avec la complicité des milieux colombien et vénézuélien", confirme Stephen Brown, chef de l'unité de renseignement sur les drogues à Interpol, basé à Lyon (sud-est de la France).

Les services américains spécialisés constatent que, sur 1.200 à 1.300 tonnes de cocaïne trafiquées par an, 550 empruntent le corridor euro-africain, dont une proportion non identifiée revient vers les Etats-Unis.

Le commissaire Romuald Muller, chef de l'antenne de l'Office français de répression du trafic de stupéfiants (OCRTIS) dans les Caraïbes, souligne que les cargos, contenant plusieurs tonnes de cocaïne, filaient initialement vers l'Equateur.

Ils se dirigent désormais vers l'Afrique de l'Ouest devenue une "plaque tournante du trafic de cocaïne", notamment au Togo, au Ghana, en Guinée et au Sénégal.

Selon le commissaire, la drogue remonte ensuite vers l'Europe. Soit par petits bateaux, chargés depuis des cargos dans les eaux internationales, soit par avion avec des "mules", des individus qui ingèrent la drogue insérée dans des préservatifs (un kilo) ou des porteurs de valises (15 à 20 kg).

Recrutés en Afrique pour 500 dollars, ces "mules" débarquent dans les aéroports européens avec un passeport pour seul document, rendant les enquêtes très difficiles, reconnaît M. Muller.

Les douaniers français notent d'ailleurs "une arrivée massive" de porteurs africains ce qui confirme selon eux qu'il y a du "stockage" sur le continent.

L'ensemble du phénomène est notamment lié à l'incapacité des polices africaines à lutter efficacement contre les trafics.

Claude Bellenger, procureur de Fort-de-France (Martinique) en charge de la grande criminalité, estime ainsi que seules les marines des pays européens sont en mesure d'arraisonner des bateaux qui transfèrent leur drogue dans les eaux internationales, avant d'arriver vide au port.

"Cette nouvelle route par l'Afrique de l'Ouest et le golfe de Guinée est plus courte et moins surveillée que la zone Caraïbes, la drogue étant ensuite réacheminée, par centaines de kg, sur des +go fast+ équipés de 4 moteurs de 250 cv vers l'Europe", confirme Emmanuel Leclaire d'Interpol.

Quant à une partie de l'héroïne afghane, dit-on à Interpol, elle est stockée en Afrique de l'Est (Tanzanie) ou en Afrique de l'Ouest (Nigeria et Ghana) avant de repartir pour les Etats-Unis.

Interpol a aussi relevé le transit par l'Afrique d'éphédrine, produit légalement fabriqué en Chine ou en Inde, qui transite par l'Afrique pour le Mexique, où elle transformée en métamphétamines, drogue de synthèse.

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