Qui eût cru que la première médaille olympique de l'histoire du Togo vienne du kayak? Benjamin Boukpeti, en bronze mardi sur le bassin de Shunyi, l'a fait, même s'il n'a qu'une vague idée du pays qu'il vient d'inscrire sur la carte des Jeux.
A la conférence de presse post-finale, il n'y en a eu que pour lui. A côté, le nouveau champion olympique Alexander Grimm pouvait bien attendre. C'était Boukpeti la star du jour.Sommé de raconter son histoire, il s'est exécuté avec plaisir. Car il sait qu'elle vaut la peine d'être entendue. Né en France d'une mère française et d'un père togolais, Boukpeti ne connaît que très peu le pays du paternel.
Ses parents, enseignants tous les deux, s'y sont rencontrés, s'y sont mariés et les deux soeurs aînées de Benjamin y sont nées. Mais lorsque lui a vu le jour, il y a 27 ans, ils étaient déjà de retour en région parisienne.
"Je ne suis malheureusement allé qu'une seule fois au Togo, lorsque j'étais tout bébé et que ma maman voulait absolument me présenter à mes grands-parents", explique Boukpeti, qui s'entraîne depuis huit ans à Toulouse.
"Le seul souvenir que j'en ai c'est mon frère (aujourd'hui en équipe de... France de canoë en ligne) qui a piqué une énorme colère lorsque ses cousins ont voulu garder son ballon. Mais ma mère m'a raconté aussi que là-bas j'appelais tout le monde +papa+", sourit le champion qui, mardi, a cassé sa pagaie de bonheur dans l'aire d'arrivée avant d'aller enlacer longuement sa maman.
Alors pourquoi le Togo? "J'ai commencé en équipe de France, mais la sélection y est très +hard+. En plus je me suis fait opérer des deux épaules et au fil du temps je suis devenu trop vieux pour vraiment percer. C'est pourquoi je me suis tourné (en 2003) vers le Togo pour continuer à aller dans les compétitions internationales."
Depuis il participe à sa manière à cette mondialisation chère aux fédérations internationales et au Comité international olympique qui a instauré des quotas pour ces Jeux de Pékin, limitant les compétitions de canoë-kayak à un bateau par nation dans chaque discipline.
Participer donc. Mais de là à offrir à son "pays de coeur" une première médaille, il y avait encore un pas aussi large que la Méditerranée. Qu'il a réussi à franchir en se rapprochant de nouveau de l'équipe de France pour se "mettre en concurrence".
"Benoît Peschier (champion olympique 2004 en slalom) notamment m'a beaucoup soutenu ces derniers mois", dit Boukpeti qui connaît également bien Fabien Lefèvre qu'il a failli déposséder de sa médaille d'argent mardi après l'avoir battu en benjamins il y a quinze ans.
"On est amis depuis l'âge de dix ans, je suis super content pour Benjamin", souligne Lefèvre. Il a mis un peu plus de temps à décoller. Qu'on se retrouve ensemble sur le podium c'est génial et c'est un grand jour pour le canoë-kayak. Ca veut dire que notre sport peut-être universel. C'est incroyable ce qu'il a fait."
"Aujourd'hui, j'ai juste fait mon boulot, en essayant aussi de faire un peu le spectacle car avec un public pareil on essaye de faire le plus beau possible", répond Boukpeti qui se doute bien qu'il est désormais attendu de pied ferme du côté de Lomé.
"Je ne mesure pas encore vraiment ce que cette médaille peut représenter au Togo. Mais j'imagine qu'aujourd'hui j'ai une occasion toute trouvée pour y retourner."
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