Société

Bonnes nouvelles

Contrats de travail, jours de repos, meilleur salaire… Ces dernières années au Togo, les employées de maison, communément appelées "bonnes", sont mieux traitées, car mieux protégées. Les employeurs et le reste de la société commencent à les considérer davantage.

"Si un jour mon employeur commet la maladresse de lever le petit doigt sur moi, ça va barder !", avertit, rageuse, Abra Djomédo, une employée de maison. Cette Togolaise de 24 ans, garde en mémoire l'enfer qu'elle a vécu chez son premier patron en 2003. "J'étais injuriée et battue pour un oui ou un non. Dieu merci, aujourd'hui, mon nouvel employeur me traite bien", explique-t-elle, joyeuse. Ce métier, exercé au Togo surtout par des jeunes femmes, consiste à assister certains ménages à travers divers travaux (cuisine, lessive, garde d'enfants en bas âge, etc.). Comme Abra, plusieurs domestiques, encore appelées "bonnes", ont vu leurs conditions de travail s'améliorer ces dernières années. De 5 000 Fcfa (environ 8 €) par mois avant 2000, leur salaire moyen est passé aujourd'hui à 13 000 Fcfa (près de 20 €). La plupart exercent à présent leur métier sur la base d'un contrat de travail, élaboré avec l'appui de Welcome, une société privée de placement des employées de maison créée en 1998. Ce contrat oblige l'employeur à leur accorder un repos quotidien d'au moins dix heures et deux jours entiers de congé par mois. "Éviter de faire dormir la servante dans la cuisine ou dans les couloirs, éviter les privations de nourriture, les châtiments corporels et tout abus sexuel sur sa personne", sont quelques-unes des obligations à la charge des employeurs. Ceux qui enfreignent l'une ou l'autre de ces règles en subissent les conséquences. "Une patronne qui avait griffé sa bonne a été traduite en justice en mai dernier. Face à l'intransigeance du juge, elle a demandé un règlement à l'amiable. Elle a dû verser 110 000 Fcfa (plus de 165 €) de dédommagement à son employée, en plus du montant des frais médicaux", rapporte Clarisse Biali, secrétaire générale du syndicat des employées domestiques du Togo. Cette structure, créée en 2007, compte près de 2 000 adhérentes aujourd'hui.

"Les bonnes ne sont plus seules"

"Le secteur utilisait un nombre important de mineures, incapables de dénoncer les mauvais traitements qui leur étaient infligés. Ce n'est plus le cas aujourd'hui", estime Sylvestre Assiah, le directeur de Welcome. Mieux informés sur ce métier, des ménages évitent désormais d'engager des enfants. Quant aux bonnes, elles préfèrent passer par un organisme de placement. Selon une étude menée en 2005 par l'Ong CARE-Togo, 60 000 familles ont recours aux services d'une domestique à Lomé et ses environs. La même étude révèle qu'en moyenne 400 000 travailleurs de différentes branches sont chaque année victimes d'abus en tous genres de la part de leurs patrons.

Tikpi Atchadam, expert en droits des enfants, perçoit "des signes encourageants, qui tranchent avec un passé sombre où les bonnes étaient battues à loisir et même violées par leurs patrons". Selon lui, ce revirement est notamment dû aux formations données par les associations de défense des droits des enfants et des femmes. L'État, de son côté, a pris d'importantes mesures pour améliorer les conditions d'exercice de cette activité. Un arrêté du ministre du Travail de 2007 l'a inscrit parmi les métiers dangereux pour les enfants, donc interdit. "Il nous arrive de retirer des enfants embauchés comme domestiques et de traduire leurs employeurs en justice", révèle Marceline Koda, secrétaire permanente de la Commission nationale d'accueil et de réinsertion des enfants victimes de traite.

Pour être placées, les domestiques (en majorité des femmes de la campagne) signent un contrat d'un an avec Welcome. Elles suivent une formation professionnelle de plusieurs jours, répartie en plusieurs modules : notions de français, formation sur leurs droits et devoirs et saine gestion de leur paye. En outre, elles reçoivent sur leurs lieux de travail des visites mensuelles inopinées de représentants de l'agence de placement. "Le fait de savoir que les bonnes ne sont plus seules oblige les employeurs à les traiter avec dignité", résume Dassi Anani, un patron de Lomé.

"Un travail comme un autre"

Cette avancée est diversement appréciée. "Parce qu'elles se sentent épaulées, les bonnes nous embêtent délibérément. Pour des peccadilles, la mienne me convoque à son agence de placement", confie, nerveuse, Georgette Ekpé, une patronne de Lomé. Da Kanlé, une autre, avertit : "Il faut se méfier de la nouvelle génération. Elles font du chichi et n'hésitent pas à subtiliser l'époux de leurs patronnes."

L'avenir des employées de maison pourrait encore s'améliorer. Une convention collective tripartite devrait bientôt être signée entre le syndicat des employées domestiques, l'association des employeurs de bonnes créée en 2007 et le ministère du Travail. Elle vise, entre autres, à doubler leur salaire mensuel pour le porter au niveau du Smig (42 €). A ceux qui trouvent ce montant trop élevé, Clarisse Biali répond : "Il est temps que les employeurs prennent conscience que ce métier est un travail comme un autre et le rémunèrent en conséquence."                                                                           

Etonam AKAKPO-AHIANYO (Syfia)

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