Marginalisée jusqu'à présent dans la mondialisation de l'économie, l'Afrique pourrait tirer profit de ce handicap qui lui a permis d'échapper en grande partie à la crise financière, estiment des analystes. Conséquence directe de la crise, les investisseurs africains seront moins enclins à regarder vers les marchés américain, européen ou asiatique, ce qui devrait se traduire par une diminution des évasions de capitaux et une augmentation des investissements locaux, selon ces experts.
La crise "nous montre que les banques occidentales, autrefois considérées comme invincibles, ne sont pas à l'abri des risques", relève Evans Manduku, chercheur en sciences politiques basé à Nairobi.Avec cette révolution, "il est probable que l'on va voir les Africains investir dans les bons du Trésor des gouvernements locaux, dans les banques publiques, plutôt que d'expédier leur argent à l'étranger. Ce sera l'un des avantages de cette crise", pronostique-t-il.
"Les banques africaines ont survécu à cause de leur valeur minime sur les marchés, de très forts contrôles gouvernementaux et des restrictions de changes" en vigueur dans de nombreux pays du continent, explique de son côté l'économiste kényan Jackson Mbari, selon qui "cette crise va maintenant entraîner de profondes réformes, comme un resserrement des politiques de crédit, ce qui est bon pour des économies fragiles".
L'Afrique peut certes craindre une diminution de l'aide des pays développés, vitale pour certains des pays les plus pauvres du continent. Mais si l'aide baissait, elle ne ferait qu'accélérer la "marche vers l'Est" de l'Afrique, dont le commerce se tourne de plus en plus vers les géants asiatiques - Chine et Inde en tête -, estiment ces analystes.
"De plus en plus, le continent va devenir autosuffisant (financièrement) en raison du commerce avec la Chine, l'Inde et les autres puissances orientales", nettement moins regardantes que les Occidentaux sur les questions de "bonne gouvernance", estime Jared Wafula, économiste à l'université de Nairobi.
Après la tourmente des dernières semaines, l'Afrique peut également désormais tabler sur l'arrivée des puissants fonds souverains, toujours à la recherche de nouveaux marchés, juge Razia Khan du département Afrique de Standard and Chartered Bank.
La bourse de Johannesburg - la première du continent - a certes vu son principal indice chuter de 6,97% la semaine dernière et tomber à son plus bas niveau depuis deux ans. Mais la panique a été de brève durée.
"Ces marchés étaient menés par la peur et l'émotion, mais les fondamentaux sont intacts", juge Joseph Nyaga, courtier.
L'activité marginale des bourses africaines les a aussi protégées. Ainsi, la place de Nairobi, la plus performante d'Afrique de l'Est, a une capitalisation totale de 8 milliards d'euros (11 milliards USD) pour 51 entreprises cotées, sans aucune mesure avec les bourses des autres continents. La BRVM d'Abidjan n'a pas été affectée par les tensions internationales.
Au vu de cet environnement, le Fonds monétaire international (FMI) a jugé le 10 octobre que l'Afrique subsaharienne serait certes affectée par la crise financière mais qu'elle conserverait une robuste croissance de 6,2% en 2009, après 5,9% en 2008.