Eco & Finance

Gilbert Houngbo : « Pas question de s'endetter à n'importe quel prix ! »

L'hebdomadaire économique et financier « Les Afriques », publie vendredi une interview du Premier ministre Gilbert Houngbo dans laquelle il commente les possibles effets de la crise internationale sur l'économie togolaise. « Ce qui nous préoccupe, c'est surtout l'impact sur les activités portuaires. En raison de la position stratégique du port de Lomé et des activités qui tournent autour de lui, la crise peut toucher d'autres secteurs par un effet domino », souligne le PM.

M. Houngbo revient également sur un gel des discussions avec la Banque islamique de développement (BID) pour l'octroi d'un prêt destiné à relancer le secteur des phosphates. « Il se trouve seulement que la proposition qui était sur la table n'était pas acceptable. (…) Nous ne pouvons pas, d'un côté, bénéficier d'une annulation de la dette et, de l'autre côté, aller nous ré-endetter à n'importe que taux », explique Gilbert Houngbo qui assure  « rester ouvert à toutes les propositions ».Dans l'entretien le Premier ministre évoque également les déficits publics, l'apurement de la dette intérieure et la retructuration de la filière coton.

Voici l'intégralité de l'interview accordé à l'hebdo « Les Afriques »

Gilbert Houngbo : « Nous ne sommes pas tout à fait d'accord avec les experts du FMI»

Venu à Paris du 10 au 14 mars notamment pour démarcher des investisseurs et pour des entretiens bilatéraux, le chef du Gouvernement togolais a fait le point sur les défis que doit relever l'économie togolaise.

Propos recueillis par Franck Foko, Paris

Les Afriques : Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit un taux de croissance de 1,8% en 2009. Or, l'objectif contenu dans le Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP) est de l'ordre de 3% à 4%. Où iriez-vous chercher les 1 à 2% manquants ? Allez-vous laisser filer les déficits publics comme certains économistes le conseillent aux gouvernements africains ?

Gilbert Houngbo :

J'ai toujours été un partisan de la théorie keynésienne. Je serais donc tenté de dire : oui, il nous faut peut-être envisager le côté déficit. Surtout lorsqu'on voit comment les pays développés génèrent, de leur côté, des déficits pour tenter d'enrayer la crise. Mais nous devons faire très attention. D'abord, si l'on se place d'un point de vue de gestion financière responsable, nous n'avons pas la capacité de créer un déficit qui risque ensuite d'avoir un effet pervers sur les réformes que nous avons entreprises. D'où viendra alors le surcroît de croissance pour combler l'écart entre le 1,8% et les 3% ? Nous ne sommes pas tout à fait d'accord avec les experts du FMI. Mais nous préférons rester prudents et donc accepter leur projection. De toute façon, il va falloir que nous augmentions nos recettes et que nous gérions mieux nos dépenses. Il ne faut pas oublier que nous avons été accusés d'avoir un budget assez conservateur.  Nous sommes en train de voir quels sont les voies et moyens qui nous permettront  de créer effectivement de la dépense. Cependant, notre intérêt à moyen terme n'est pas de nous lancer dans une politique des déficits sans avoir l'assurance raisonnable que nous pourrions par la suite les financer et les résorber.

LA : Quel est l'impact de la crise économique sur le Togo ?

GH :

Cette question contient une partie de la réponse à votre première question. Vous comprenez maintenant pourquoi nous acceptons une réduction du taux de croissance. C'est justement en prenant en compte l'impact de la crise économique. Ce qui nous préoccupe, c'est surtout l'impact sur les activités portuaires. En raison de la position stratégique du port de Lomé et des activités qui tournent autour de lui, la crise peut toucher d'autres secteurs par un effet domino. Il faut aussi dire qu'au moment où le Togo se trouve dans une phase de redémarrage, l'investissement public, notamment dans le BTP, aide aussi à contrebalancer les risques d'une propagation de la crise économique. De plus, le système bancaire togolais a été relativement protégé par l'aspect financier de la crise.

LA : Y a-t-il aujourd'hui au Togo, comme dans certains pays d'Afrique de l'Ouest, une accumulation de la dette intérie

ure ?

GH :

La dette intérieure du Togo tourne aujourd'hui autour de 350 milliards de francs CFA. Nous avons un plan d'apurement qui démarre déjà avec les ressources prévues à cet effet dans le  budget 2009. Nous aborderons également la question de la dette intérieure lors des réunions bilatérales que nous aurons durant notre séjour en France.

LA : Le Togo a renoncé à un prêt de la Banque islamique de développement (BID) destiné à relancer le secteur des phosphates. Comment allez-vous maintenant procéder ?

GH :

Nous n'avons pas renoncé à ce prêt de la BID. Il se trouve seulement que la proposition qui était sur la table n'était pas acceptable. Et ce pour des raisons simples. Nous sommes dans le cadre de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Nous ne pouvons pas, d'un côté, bénéficier d'une annulation de la dette et, de l'autre côté, aller nous ré-endetter à n'importe que taux, à n'importe quelle condition. Il faut être responsable. D'autant que nos partenaires nous posent des conditions dans le cadre du PPTE. La première est que tout prêt doit se faire à des taux concessionnels. D'où notre recul dans les négociations avec la BID. Reste que nous sommes ouverts à toutes les propositions. Notre défi : pouvoir investir dans l'équipement. Et ce avec ou sans partenaires. Le problème ne réside pas dans les aspects techniques ou dans un manque de compétences. Le problème du secteur des phosphates est d'abord lié à la gouvernance. Nous sommes en train de prendre des mesures pour améliorer les choses.

LA : Où en est-on dans la restructuration de la filière coton ?

GH :

Nous avons décidé de mettre en faillite la Société togolaise de coton (Sotoco). Le but est de la remplacer par une nouvelle société. Je crois que l'Etat a un rôle à jouer dans le développement économique. Mais ce rôle a souvent été faussé. L'Etat n'est pas obligé de contrôler une société cotonnière à 100%. Il peut descendre à moins de 50% du capital afin que les décisions prises au sein de l'entreprise le soient dans une certaine indépendance. La société doit avoir en effet son autonomie de décision par rapport à l'Etat. Nous pensons également qu'il faut une participation des producteurs de coton. C'est donc sur cette base que nous voulons relancer la production cotonnière au Togo. Nous sommes en harmonie avec nos partenaires de la Banque mondiale pour ce plan de relance.

© Les Afriques N° 67 du 19 au 25 mars 2009

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