Très implanté au Togo dans l'activité conteneurs au port de Lomé, le groupe espagnol Progosa entend se développer en Afrique centrale ; au Gabon et au Cameroun, notamment. Pour le moment, cette offensive passe par les tribunaux. Ainsi, la gestion du port de Douala, principal porte d'entrée maritime d'Afrique centrale, fait l'objet d'une bataille devant la justice entre le Français Bolloré et Progosa, dirigée par Jacques Dupuydauby, qui estime qu'il en a été injustement écarté.
Tout commence en 2003. Bolloré, déjà bien implanté au Cameroun, remporte alors en association avec le danois Maersk la concession du port à conteneurs pour une période de 15 ans.Mais en novembre 2007, Progosa porte plainte contre X pour "favoritisme et corruption" au sujet de l'attribution du marché. Le groupe espagnol accuse Bolloré "d'avoir utilisé différentes manoeuvres dignes de la mafia", selon le texte de la plainte.
"Au mépris de la confidentialité qui devrait entourer toutes les offres, les requérants ont appris par l'un de leurs concurrents qu'il était en possession de leur dossier de candidature avant même que le dépouillement n'ait été envisagé", poursuit Progosa dans la plainte.
"Nous avions gagné techniquement l'appel d'offres mais les critères de sélection ont soudainement changé et nous avons été éliminés", assure M. Dupuydauby.
"Pourtant, sur le plan tarifaire, nous étions aussi les meilleurs: nous proposions de verser à l'Etat camerounais une redevance deux fois plus élevée que celle proposée par Bolloré", explique-t-il.
A l'époque, la Banque mondiale, rappelle-t-il, avait émis un avis défavorable sur l'offre de Bolloré, estimant qu'elle était contraire aux intérêts économiques du Cameroun.
La plainte de Progosa a été jugée recevable et le juge d'instruction a notamment entendu plusieurs fois Alphonse Siyam Siwé, qui était directeur général du Port autonome de Douala (PAD) en 2003.
Celui-ci, devenu ensuite ministre de l'Energie et de l'Eau entre 2004 et 2006, a été condamné en décembre 2007 à 30 ans de prison pour avoir détourné avec trois complices des fonds publics d'un montant de 38 milliards de francs CFA (57,9 millions d'euros) lorsqu'il était patron du port.
Le groupe Bolloré affirme ne pas être inquiet : pour lui, les accusations portées par Progosa sont "fantaisistes" et "mensongères".
Il a d'ailleurs à son tour attaqué Jacques Dupuydauby en justice "pour commentaire tendancieux" et déposé également une plainte en diffamation contre lui, "dans laquelle l'action publique est déjà déclenchée", assure Michel Calzaroni, responsable de la communication de Bolloré.
"Nous souhaitons respecter le bon déroulement de la procédure afin que la justice camerounaise accomplisse son travail en toute sérénité", répond la société française. "Le groupe Bolloré n'a aucun autre commentaire à apporter aux déclarations de Jacques Dupuydauby".
Cette bataille de Douala, dont la presse camerounaise s'est fait jusqu'ici peu l'écho, survient alors que les deux groupes luttent depuis quelques années pour le contrôle de plusieurs autres ports africains: Lomé (Togo), Port-Gentil (Gabon) et Libreville.
Après avoir été associées pendant quelques années, les deux entreprises se déchirent aujourd'hui. Selon une source proche du dossier, "en tout, une vingtaine de plaintes (contre l'autre) ont été déposées par les deux groupes" au Togo, au Gabon, en Suisse et en Espagne.
En 2006, une bonne partie de l'Etat-major de Bolloré avait interpellé à l'aéroport de Lomé et inculpé pour corruption de magistrats.