Le 26 février dernier, le ministre de l'Administration territoriale, Pascal Bodjona, a adressé aux deux partis de l'opposition parlementaire, le CAR et l'UFC, une note les invitant à faire des suggestions et propositions sur le futur statut de l'opposition. Les réponses n'ont pas tardé à arriver (cf notre article du 12 mars 2008). Le Comité d'Action pour le Renouveau de Me. Agboyibo estime dans sa réponse que le principe de la « cogestion » doit prévaloir pour l'ensemble de la classe politique. Le CAR ne voit pas d'un bon Œil l'idée d'un porte-parole commun pour l'opposition.
Ce concept de cogestion suscite bien des commentaires dans la classe politique au togo à tel point que le Comité d'Action pour le Renouveau a jugé bon de rendre public un document précisant sa position.Voici les clarifications du CAR
Le présent document a pour objet d'apporter des éléments explicatifs complémentaires du régime de cogestion proposé par le CAR lors de sa Journée de réflexion du 23 février 2008 à Baguida. Ces éléments portent essentiellement sur trois points :
Quel est l'objectif du régime de cogestion proposé ?
Quel est le contenu de la notion de cogestion ?
Comment mettre en Œuvre le régime de cogestion ?
OBJECTIF DU RÉGIME DE COGESTION PROPOSE
L'objectif' de la cogestion proposée est d'ordre socio-économique. Le CAR entend par cette proposition convier les forces vives et les pouvoirs publies à s'accorder sur un mode d'organisation politique qui instaure une stabilité de longue durée dont le pays a besoin pour son redressement socio-économique.
Etat des lieux: Le Togo, on le sait, est confronté à de multiples et lourds défis gravitant autour d'une pauvreté caractérisée par la dégradation continue du pouvoir d'achat des populations. Tout le monde s'en est aperçu au vu des données statistiques rendues publiques par le gouvernement à l'issue du récent conseil des ministres tenu le vendredi 07 mars 2008 à Nangbéto. Il ressort de ces données statistiques que les togolais qui ont un revenu mensuel inférieur à treize mille (13 000) francs CFA s'élèvent à une proportion de 90,5 % dans la Région des Savanes, 75 % dans la Région de la Kara, 77,7 % dans la Région Centrale, 56,2 % dans la Région des Plateaux et 69,4 % dans la Région Maritime.
Ces informations sont fort édifiantes sur la réalité et l'ampleur de la pauvreté qui sévit dans le pays, avec de multiples incidences socioéconomiques dont la plus cruciale est la question actuelle de la vie chère.
Les jeunes constituent la couche sociale la plus affectée par cette pauvreté et ses implications. D'année en année, ils ne cessent de se replier vers les centres urbains en quête d'un emploi Ht rares sont parmi eux ceux qui parviennent à trouver un débouché. La plupart ne survivent que très péniblement avec le concours de leurs parents en guettant toute occasion pour partir en exil. Les jeunes menant cette rie précaire constituent aujourd'hui de par leur nombre, une véritable poudrière qui peut, si l'on n'y prend garde, exploser à tout moment sous l'effet de la moindre étincelle.
Comment en est-on arrivé là?
Ailleurs, notamment en Occident, lorsque les jeunes eurent à vider les milieux ruraux, c'était pour se faire embaucher par les industries qui commençaient à se développer dans les centres urbains grâce au niveau assez avancé de l'agriculture. Au Togo comme dans la plupart des pays africains, l'exode des jeunes n'a pas obéi à la même logique. Ce, pour plusieurs raisons dont avant tout le défaut d'ajustement de la politique agricole du pays à l'évolution de l'économie mondiale.
Cela a entraîné l'abandon précoce des terres par les jeunes. L'agriculture qui devait servir de socle au développement des petites et moyennes industries a pris un sérieux coup qui a tourné à l'avantage des secteurs de distribution et de redistribution des biens et services importés. Et c'est tout cela qui a entraîné la régression de l'économie nationale et la pauvreté préoccupante de nos populations.
Que faire ?
La lutte contre la pauvreté exige que l'on inverse aujourd'hui la tendance en favorisant l'intéressement des investisseurs au secteur agricole et le retour des jeunes à la terre par la viabilisation des campagnes et des bassins fluviaux en infrastructures d'eau, de santé, d'énergie, de routes, de télécommunication, d'éducation, de culture, et autres étant entendu que ces travaux d'infrastructures constituent déjà en eux même des sources d'emplois.
Pour réaliser ces infrastructures de base, le pays a besoin d'importantes ressources financières, L'Etat a aujourd'hui des chances de mobiliser de telles ressources depuis qu'il a repris la coopération avec l'Union Européenne et a ouvert des discussions avec d'autres bailleurs de fonds à la suite de la validation du scrutin législatif du 14 Octobre dernier par la communauté internationale.
Mais pour que ces opportunités financières se concrétisent et répondent aux besoins exprimés par le Togo dans le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) en voie de finalisation, encore faut-il que les bailleurs de fonds ainsi que les opérateurs économiques se sentent rassurés que la stabilité politique et institutionnelle en cours s'inscrit dans la durée et qu'elle ne sera pas remise en cause du jour au lendemain par des troubles et des actes de violence, notamment à l'occasion du scrutin présidentiel de 2010 et des autres élections à l'horizon.
Intérêt de la cogestion : Le CAR considère que le Togo ne peut connaître une telle stabilité nécessaire à la mise en confiance des bailleurs de fonds et des investisseurs nationaux et étrangers, que si les pouvoirs publics, les partis politiques, les syndicats de travailleurs, les corporations d'opérateurs économiques, les confessions religieuses et autres organisations de la société civile, font preuve de patriotisme pour conjuguer leurs énergies en une cogestion du pays.
CONTENU DE LA NOTION DE COGESTION
La cogestion est une notion1 pragmatique dont la définition se ramène à son objectif. Elle signifie, comme nous venons de l'énoncer, une mise en synergie des forces politiques, économiques et sociales en vue de sortir le pays de ses difficultés. Dans le régime de cogestion, les diverses composantes conservent leur autonomie tout en s'efforçant de surmonter leurs divergences de vues par la recherche des solutions consensuelles. Et c'est en cela que la cogestion proposée se distingue du mode de gestion des pays à parti unique.
La cogestion ainsi définie est un régime de rupture temporaire avec le système de gestion fonctionnant à base du principe majoritaire. Ce système d'origine occidentale met face à face une majorité gouvernante qui a la charge de rechercher des solutions aux problèmes du pays et une opposition qui s'attelle. par ses prises de position, à s'attirer les populations en décrédibilisant l'action gouvernementale. Il importe de préciser qu'une majorité qui gouverne face à une opposition peut consister en une coalition de partis politiques. Le régime de cogestion ne se confond donc pas avec une coalition au pouvoir.
Pourquoi ce système fondé sur le principe majoritaire est inapproprié au contexte actuel de notre pays?
Nous en avons exposé les raisons dans la déclaration de Baguida. Nous avons notamment fait dans cette déclaration le constat que ai toutes les élections que le Togo a organisées depuis le début du processus démocratique avec la participation des principaux acteurs politiques ont été sans issue, c'est parce que les conservateurs au pouvoir sont résolus à utiliser tous les moyens pour empêcher l'alternance avec le courant à connotation revancharde de l'opposition.
Par rapport aux élections en perspective, ce blocage irréductible expose le pays à deux éventualités, soit les deux courants antagonistes en viennent à l'affrontement physique; soit le courant revanchard se contente, par impuissance, de noircir l'image d'un Togo déjà sinistré.
Dans un cas comme dans l'autre, les conséquences sont dramatiques. Et ii y a de quoi démobiliser les investisseurs.
En définitive, ce sont les populations et tout particulièrement les jeunes qui en seront victimes par l'aggravation de la pauvreté ambiante et les risques d'implosion du pays.
C'est en raison de l'échec du système à base du principe majoritaire dans le contexte actuel du Togo que le CAR propose le régime intérimaire de cogestion pour redresser le pays et créer les conditions de l'alternance démocratique.
MODALITES DE MISE EN OEUVRE DE LA COGESTION
La cogestion proposée ne saurait être une reproduction du déjà vu ou un arrangement de circonstance à des fins partisanes, au risque de rater l'objectif poursuivi.
Elle doit s'organiser dans le cadre des réformes constitutionnelles en perspective et sur la base du principe de représentativité issue des élections, étant entendu que les acteurs politiques investis de la légitimité démocratique pourront en faire un usage ouvert.
Aussi, y a t-il lieu, pour la mise en Œuvre du régime de cogestion dans les circonstances actuelles, de prendre en compte les résultats des dernières élections législatives dès lors qu'elles ont été jugées régulières par les observateurs nationaux et internationaux sur la base de leurs constatations au niveau de la zone de transparence du scrutin.
En partant de ces résultats électoraux et du souci fondamental d'instaurer une stabilité politique, institutionnelle et sociale de longue durée, il importe d'ouvrir, au sein du cadre permanent de dialogue prévu par l'Accord Politique Global, des discussions sur les modalités de fonctionnement de Ici cogestion et le type de système politique (présidentiel, semi-présidentiel ou parlementaire) qui en serait le plus approprié ainsi que sur la façon d'y associer les syndicats de travailleurs, les corporations d'opérateurs économiques et les autres partenaires sociaux du développement
11 revient aux forces vives de gérer au mieux l'étape intérimaire de notre processus démocratique que constitue la cogestion pour éviter les implosions sociales, accélérer l'intégration des couches géopolitiques et promouvoir l'instauration d'un environnement propice aux réformes à opérer, au règlement de la question de l'impunité, à la réconciliation nationale et au jeu pacifique de l'alternance démocratique
La cogestion est un passage difficile mais incontournable pour le Togo. Elle a pour fondement l'amour du pays et du concitoyen. L'amour n'est pas synonyme d'absence de haine. La haine, c'est le ressentiment, l'impulsion biologique à la vengeance, au mépris de l'antre et à l'aversion pour son pays. L'amour servant de support à la cogestion proposée n'est pas une sensation biologique. C'est un comportement social qu'exigent l'harmonie nationale et le développement du pays. Il consiste à contenir les signes d'extériorisation de la haine et les symboles d'incitation à la haine. Il présuppose la démotivation à la haine par une répartition équitable des fonctions et emplois d'Etat et tous autres avantages relevant du patrimoine national.
Le Togo ne peut y parvenir que par la cogestion.
Le Président National, Me Madji AGBOYIBO