Société

Histoire commune

Le grand quotidien francophone de Beyrouth, L'Orient-Le Jour, publie lundi une intéressante enquête sur les Libanais d'Afrique de l'Ouest.

Une présence ancienne puisque qu'elle remonte à la fin du XIXe siècle. Ils sont nombreux installés en Côte d'Ivoire, au Mali, au Burkina et, naturellement, au Togo … depuis 1885. Le journal indique que la communauté libanaise de Lomé estimée à 2000 personnes est surtout composée de chiites alors qu'elle est davantage maronite au Burkina.Voici l'article publié par L'Orient-Le Jour

À l'instar des Phéniciens qui prirent le large à la découverte de nouveaux mondes, atteignant, il y a plusieurs millénaires, les côtes occidentales de l'Afrique, les Libanais d'aujourd'hui ont pris d'assaut les pays du continent noir situés sur les rives de l'océan Atlantique.

À la recherche du gain et de la richesse, fuyant la famine et les guerres, arrivés par erreur ou de plein gré, les Libanais venus en Afrique ont pu s'accommoder parfaitement à ce nouveau monde, tellement différent des sociétés orientales. Ils ont travaillé dur, partageant avec les Africains des conditions de vie pénibles, un climat difficile et des situations politiques instables.

Néanmoins, connus pour leur savoir-faire et d'une capacité d'adaptation exceptionnelle, les Libanais ont réussi à s'imposer dans tous les domaines. En position dominante dans l'industrie pendant longtemps, ils sont également bien ancrés sur le marché des services et des assurances, ainsi que dans le commerce, malgré les fortes concurrences venant notamment des Asiatiques.

Leur présence remonte historiquement à la fin du XIXe siècle. Selon les archives trouvées sur place, on retrouve le nom de Libanais vers 1884 à Accra, et 1885 à Lomé. Des « anciens » se souviennent en outre des premiers Libanais d'Ouagadougou, arrivés vers 1920.

Les Libanais sont bien implantés en Côte d'Ivoire, au Sénégal et au Ghana. Une communauté importante se trouve également au Togo, au Burkina Faso, ainsi qu'au Mali, Bénin et au Nigeria. On remarque par ailleurs une répartition hétéroclite entre les différentes confessions libanaises dans ces pays.

Ainsi, les chiites se trouvent majoritaires à Abidjan et à Lomé (près de 2 000 personnes), alors que les chrétiens sont majoritaires au Burkina Faso. Au Ghana, par exemple, où le nombre des Libanais atteint les 3 000 personnes, les sunnites, les chiites et les chrétiens sont répartis à parts égales, sachant que la communauté sunnite, venant surtout de Tripoli, est bien implantée dans ce pays depuis très longtemps. On a remarqué dernièrement une forte percée des chiites dans certains pays africains, fuyant notamment la Côte d'Ivoire.

Les violences dans ce dernier pays ont montré par ailleurs les limites de la réussite des Libanais en Afrique. Vivant au sein d'une population majoritairement pauvre, ils subissent régulièrement le courroux des foules déchaînées à chaque fois qu'il y a une grève ou des manifestations contre la cherté de vie. Les premiers magasins et entreprises à être saccagés et brûlés sont ceux appartenant aux Libanais.

Leur situation reste aléatoire, malgré les liens amicaux qu'ils ont pu tisser avec les populations africaines et les dirigeants locaux. « La communauté libanaise est fragile », estime ainsi Jacques Zouein, un Libanais résidant à Ouagadougou. « Nous ne sommes pas considérés comme africains, même si nous sommes nés sur cette terre, et que nos familles sont présentes dans ces pays depuis plusieurs générations », affirme, amère, Haïfa Leba, une Libanaise née au Ghana. « Nous n'avons personne pour nous soutenir », ajoute-t-elle. Les autres immigrants et expatriés présents dans ces pays africains sont pris en charge par leur gouvernement en cas de problèmes. Ce n'est pas le cas pour nous.

L'Etat libanais est en effet quasi inexistant, sinon très faible pour pouvoir aider ses citoyens en Afrique occidentale. Parfois, c'est la communauté libanaise qui subvient aux besoins des missions diplomatiques. C'est le cas au Ghana où l'ambassade a été construite à partir de dons collectés au niveau local. Au Burkina Faso, la formalisation des relations entre les autorités libanaises et burkinabées n'a eu lieu qu'en 2004, avec la désignation d'un consul honoraire, alors que le Togo attend toujours son consul honoraire pour veiller sur les intérêts des Libanais présents dans ce pays.

C'est ainsi qu'intervient le rôle de l'Église maronite dans ces pays, remplissant, malgré elle, un vide laissé par l'État. Se sentant ainsi délaissés par leur gouvernement, les Libanais se sont retournés instinctivement vers les dirigeants de leur communauté religieuse. Dans ce contexte, on a vu naître chez les chrétiens libanais à partir des années 80 un besoin fort et pressant d'affirmer leur identité orientale à travers leur religion, leurs rites, pour compenser la précarité dans laquelle ils se trouvent, face au refus des Africains de les intégrer complètement. « Les Libanais au Canada, au Brésil ou en Australie ont été absorbés par les pays d'accueil. Ici, nous serons toujours blancs, nous serons toujours Libanais », insiste Haïfa Leba.

D'où la nécessité pour les Libanais de regarder toujours vers leur pays d'origine, qui les a presque oubliés ou n'a pas les moyens de s'occuper d'eux.

Réagissant à cet appel au secours, et prenant conscience du besoin et de la place importante des communautés libanaises à l'étranger, l'Église maronite semble avoir relevé le défi de s'occuper de ses fidèles. Une décision qui profite d'ailleurs à tous les Libanais, puisque les initiatives entreprises par les ecclésiastiques et les religieuses maronites en Afrique occidentale, telles que les écoles ou les cours de langue arabe, bénéficient aux Libanais de toutes les confessions.

© L'Orient-Le Jour

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