Eco & Finance

Le coup de gueule d' Yves Ekoué Amaïzo

«La place réservée par les pays riches aux pays pauvres, à l'Afrique en particulier, se résume régulièrement à celle d'un espace périphérique où l'Afrique ne sert que de variable d'ajustement. L'idéal serait que l'Afrique pousse à changer le format du G20 en exigeant que la participation des uns et des autres repose sur des critères de représentation géographique et démographique, et de poids économique.

L'Afrique qui n'est ni fautive ni responsable de la crise financière, subit en retour une crise économique et sociale qui lui coûte plus de 2 % de croissance en 2009. L'idéal ? Qu'elle soit capable de refuser d'être le payeur en dernier ressort des conséquences de la dérégulation outrancière des pays riches. L'Afrique devra rappeler le respect des promesses des pays riches effectuées à Gleneagles [en 2005, lors d'un sommet du G8 en Ecosse, ndlr] de doubler l'aide au développement. Une promesse non tenue à ce jour.«Le G20, même élargi, ne peut se limiter à refonder le libéralisme économique autour d'un groupe de 20 pays qui représentent 87 % du PIB mondial, 65 % de la population mondiale et font subir les conséquences de leur politique économique aux pays les moins influents de la planète. A Londres, la présence du président de la Commission de l'Union africaine, comme représentant exceptionnel de l'Afrique, est un début encourageant mais insuffisant s'il ne s'agit que d'un observateur.

«Les plans de relance économique vont creuser les déficits budgétaires des pays riches, favorisant le protectionnisme, le nombrilisme économique et la baisse de l'aide au développement. En réalité, les pays riches n'ont pas abandonné l'idée d'éponger partiellement les dettes du néolibéralisme économique dérégulé par les contribuables et les pays dont les budgets sont excédentaires. Avec une croissance qui restera positive en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient en 2009, les pays industrialisés avec leur 4,3 % de croissance négative doivent faire profil bas. Ils doivent accepter d'écouter l'Afrique dans sa diversité tant sur les propositions de court terme que de long terme. Les pays riches ou le FMI ne peuvent plus représenter l'Afrique au G20. Il faut une «rupture». Avec 6,2 % en 2007 et 5,2 % en 2008, l'Afrique a contribué à soutenir la croissance mondiale. Pour l'Afrique, il n'y a pas d'alternative à un pacte de soutien au pouvoir d'achat et une croissance économique partagée, soupape de sécurité contre le choc des crises alimentaires, énergétiques et des intempéries… L'Afrique devra organiser sa propre veille économique. A elle de trouver des institutions capables d'anticiper les crises… Et de faire passer son idée de création d'un payeur en dernier ressort basée en Afrique et non à Washington. Il s'agit du futur Fond monétaire africain (FMA) déjà prévu à Yaoundé.

«Le G20 doit inventer une régulation éthique du marché et des économies, et contribuer à l'émergence d'une croissance partagée, gage d'une globalisation de la solidarité. Encore une fois, cette crise des pays riches se traduit par une perte de croissance de 2 % pour le continent africain. Le G20 élargi devrait financer ce manque à gagner. Il devra alors se transformer en une "tontine africaine", un pacte mettant en commun des fonds pour prévenir ou sortir d'une crise systémique par un partenariat entre secteur public et secteur privé. Il suffirait pour ce pacte que le G20 décide de consacrer à l'Afrique 0,7 % du total des plans de relance.»

Originaire du Togo, Yves Ekoué Amaïzo vit en Autriche. Ancien fonctionnaire des Nations unies, il dirige aujourd'hui le groupe de réflexion Afrology (Afrology.com).

© Libération

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