Pour sa première tournée africaine, le nouveau secrétaire d'Etat français à la coopération Alain Joyandet a martelé le message que la France a la ferme intention de rester en Afrique, mais aussi de mettre un peu d'huile dans les rouages de relations parfois grippées. "On ne construit pas des relations durables sur un acte de décès", a déclaré à Cotonou le successeur de Jean-Marie Bockel, ministre socialiste d'"ouverture" qui avait visiblement indisposé certains chefs d'Etat africains en affirmant la nécessité de signer "l'acte de décès de la Françafrique".
Au Niger, au Bénin et au Sénégal, Alain Joyandet a expliqué en substance aux trois présidents que la France n'entendait pas "réduire la voilure" en Afrique, bien au contraire. "Ce n'est pas le moment de partir, a-t-il dit à Dakar, car s'il y a bien un moment où la France doit consolider son implantation en Afrique, c'est maintenant", alors que la Chine pousse ses pions sur le continent.Son baptême du feu, le 10 avril, moins d'un mois après sa nomination, l'avait mené au Gabon, dont le président Bongo, dernier "dinosaure" de la Françafrique, est soupçonné par certains d'avoir réclamé et obtenu la tête de M. Bockel. Il s'agissait à l'évidence d'aplanir le terrain avec de "vieux" alliés de la France.
Pour M. Joyandet, construire l'avenir ne signifie pas "effacer les pages de l'Histoire" ni "tuer telle ou telle relation". "Avec l'Afrique, dit-il, nous avons connu des succès et nous avons eu des pages pas toujours reluisantes. Nous allons bâtir de nouvelles relations sur ces succès en nous servant de nos échecs comme carnet de route".
Interrogé à Cotonou sur cette "nouvelle" relation avec l'Afrique lorsque la France sera liée par la présidence de l'Union européenne le 1er juillet, M. Joyandet s'est voulu rassurant: "notre présidence ne signera en rien la mort de nos relations avec les pays d'Afrique".
Quant à l'image de la France en Afrique, que les ambassadeurs en poste sur le continent ont récemment jugée dégradée, M. Joyandet concède que "tout n'a pas été parfait (...) mais ce n'est pas non plus le naufrage".
"La coopération se porte bien, dit-il, elle est même au-delà de ce que je pensais". Paris souffrirait simplement d'un déficit de communication et il "y a du travail à faire pour redresser" cette image, a-t-il concédé, en affirmant avoir perçu "un sentiment de +pas assez de France+, de +manque de France+".
Bref, "il faut à tout prix aller de l'avant". Le credo, c'est le discours du Cap de Nicolas Sarkozy, fin février, qui, poursuit-il "donne la direction à prendre".
Le président français avait alors réaffirmé sa volonté de "rénover" la relation entre la France et l'Afrique, en annonçant en particulier une renégociation de tous les accords militaires de la France sur le continent.
Manière de s'efforcer de faire oublier le discours prononcé quelques mois plus tôt à Dakar, très mal perçu en Afrique notamment pour sa digression sur "l'homme africain (qui) n'est pas assez entré dans l'histoire".
Pour sa première tournée, Alain Joyandet n'était en tout cas pas venu les mains vides: la France a annoncé l'octroi d'une aide d'1 million d'euros au Bénin pour le renforcement des institutions et de 16,8 millions d'euros au Niger pour des programmes d'accès à l'eau potable et à l'alimentation.
Au Niger - où Paris était passé par une zone de turbulences à l'été 2007 avec l'expulsion du directeur local du groupe Areva, leader mondial du nucléaire - Alain Joyandet a également tenté d'assouplir les autorités sur la suspension des émissions en FM de Radio France Internationale et l'incarcération depuis sept mois du journaliste Moussa Kaka. "La prison n'est pas la réponse", a-t-il dit à Dakar.
Alain Joyandet devrait se rendre au Togo prochainement. Une visite planifiée pour fin avril avait été annulée en raison de la tenue des obsèques d'Aimé Césaire en Martinique.