La cérémonie de lancement des consultations nationales à l'appui du processus « Vérité et Réconciliation" s'est déroulée mardi à Lomé sous la présidence de Faure Gnassingbé.
Initiées par le Haut commissariat des Nations unies aux Droits de l'homme (HCDH) et grâce à l'appui financier de certains partenaires comme l'Union européenne (UE) et l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), ces consultations nationales permettront de recueillir les opinions des Togolais sur la nature et les prérogatives de cette nouvelle structure conformément à l'Accord politique global (APG) signé le 20 août 2006 à Lomé par les tous les acteurs politiques togolais."Durant ces consultations, les populations vont se prononcer notamment sur la durée du mandat de cette commission, ses attributions. Elles se dérouleront sur l'ensemble du territoire pendant trois mois", a expliqué l'un des responsables du comité d'organisation de la cérémonie de lancement.
"C'est une démarche en vue d'une réconciliation véritable et durable dans un souci d'apaisement socio-politique national", a-t-il indiqué sous couvert de l'anonymat.
Dans son discours le chef de l'Etat a rendu un hommage appuyé au HCDH (Haut Commissariat pour les droits de l'homme de l'Onu), pour sa « haute implication » dans l'organisation de ces consultations avant de souhaiter que « le bon sens et l'esprit de pardon et de réconciliation anime chaque togolaise et chaque togolais ( …) ».
Faure Gnassingbé a également remercié le Président du Burkina Faso (dont la délégation était présente à la cérémonie)pour son soutien au processus de réconciliation du peuple togolais.
Il a ensuite reconnu que les consultations comportent des risques qu'il ne faudrait pas occulter et a invité les leaders politiques, les organisations de la société civile et la population à tirer les enseignements des actes de violence qui ont jalonné la vie politique du Togo depuis la veille de son indépendance jusqu'en 2005 et s'impliquer utilement dans ce processus de cicatrisation des plaies.
Les membres du gouvernement, le corps diplomatique, les autorités traditionnelles et les organisations de la société civile assistaient à la cérémonie.
Le discours du chef de l'Etat
Après de multiples péripéties et alors que le doute commençait à s'installer dans certains esprits suite à l'ajournement de la cérémonie qui avait été précédemment programmée, nous sommes enfin réunis pour procéder au lancement des consultations nationales relatives au processus Vérité, Justice et Réconciliation.
Il y a peu de mots autant chargés de sens que ces trois mots, dans le vocabulaire politique de notre pays. D'emblée, je voudrais situer le contexte de ces consultations qui répondent à la volonté exprimée par tous les signataires de l'Accord Politique Global, et au désir commun de tous les Togolais, d'Œuvrer à l'éradication définitive de la violence politique.
Ces consultations constituent une étape essentielle du processus de réconciliation nationale. Leur but ultime demeure l'approfondissement et la consolidation de ce processus, sur la base d'une claire conscience et des enseignements de notre Histoire. Elles s'inscrivent dans une démarche dynamique qui, à terme, contribuera au renforcement de l'unité nationale et à la consolidation de la cohésion entre tous les Togolais.
Aussi, est-ce avec plaisir et satisfaction que je franchis avec vous ce matin la dernière marche conduisant à la mise en place effective des mécanismes prévus par l'Accord Politique Global en vue d'élucider les actes de violence à caractère politique commis par le passé et de proposer les mesures d'apaisement et de réconciliation nationale.
Ces dernières années, faut-il le rappeler, notre pays a réalisé des progrès significatifs dans la voie de la concorde nationale et de la cohésion de notre peuple.
Un long chemin a été parcouru dans notre volonté commune d'affronter, avec dignité et lucidité, les pages sombres de notre Histoire. De nombreux obstacles ont été franchis dans notre désir de continuer à maîtriser notre destin vers le progrès social, la justice et le développement, et dans notre ambition commune de forger le rassemblement sincère et l'union véritable de toutes les filles et de tous les fils du pays.
Il nous faut, cependant, faire plus. Il nous faut surtout capitaliser tous les efforts consentis et consolider les résultats déjà obtenus, afin de poursuivre sereinement la construction d'un avenir plus épanoui, dans une sécurité plus grande et une stabilité plus affirmée.
Mesdames et Messieurs,
Nous avons été confrontés, par moments, aux pulsions de la discorde et de la désunion. Nous avons connu des luttes fratricides et des violences destructrices. Mais nous avons toujours su préserver l'essentiel, à savoir la paix, la cohésion et le sens de la communauté nationale. Ensemble, nous avons épargné à notre pays le pire.
Ensemble nous avons pris des dispositions et poser des actes dans le sens de l'apaisement, de la réconciliation nationale et de la réhabilitation de notre Histoire.
Ces mesures et ces actes, plutôt que de chercher à inscrire systématiquement au passif les mécomptes des générations qui nous ont précédé et nos errements communs, constituent en vérité un hommage solennel à tous nos devanciers qui ont apporté une contribution éminente à l'édification de la Nation. Personnalités d'envergure nationale ou citoyens ordinaires, mais patriotes incontestables, ils ont marqué notre Histoire de leurs empreintes et, parfois même, du sacrifice suprême.
Nous pouvons donc être fiers d'avoir commencé à apprendre de nos expériences douloureuses et à tirer des épisodes sombres de notre cheminement les enseignements qui s'imposent.
Mesdames et Messieurs,
La poursuite de la mise en Œuvre des recommandations formulées par les nombreuses missions d'enquête sur les actes de violences survenus dans un passé récent, dont celles des ONGs internationales et cellles des Nations Unies et de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, continuera à s'inscrire dans cette logique exclisive.
Nous avons également pris en compte les conclusions de la Commission Spéciale d'Enquête Indépendante conduite, en son temps, par l'ancien Premier Ministre, Maître Joseph Kokou Koffigoh, ainsi que du travail réalisé par la Commission de Réflexion et de Réhabilitation de notre Histoire, sous l'autorité de l'Archevêque Emérite de Lomé, Monseigneur Robert Dosseh Anyron.
Dans le même esprit, je voudrais rappeler les avancées tangibles que nous avons enregistrées, en particulier en matière d'amélioration et d'humanisation des conditions de détention. Il faut aussi saluer les efforts consentis pour l'amélioration des relations entre la population et les institutions chargées de les protéger, de même que le processus, en cours, de restructuration et de réforme des forces de défense et de sécurité en vue notamment de l'adaptation des textes les régissant et de la clarification de leurs missions et responsabilités.
D'autres avancées sont constatées notamment : l'adaptation en cours de notre législation nationale aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, la recomposition et le renforcement du mandat et des moyens d'action de la Commission Nationale des Droits de l'Homme et de la Haute Autorité de l'Audiovisuelle et de la Communication et la création dès 2005 du Haut Commissariat pour les Rapatriés et à l'Action Humanitaire qui s'attelle à parachever le retour et la réinsertion des personnes déplacées.
Dans la même logique, le Gouvernement togolais a signé, en juillet 2006, un Protocole d'Accord qui a permis l'ouverture à Lomé d'un Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, dont les initiatives ont inspiré notre action en vue du lancement des consultations de ce jour.
C'est le lieu d'exprimer mon entière satisfaction pour le travail qu'accomplit quotidiennement, dans un esprit d'indépendance, d'objectivité et de dialogue, le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme. Le succès de cette coopération entre notre pays et le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme, nous le devons à l'engagement et au dynamisme de Madame IGE OLATOKUMBO, qui a dirigé ce Bureau depuis sa création en 2006.
Je voudrais par la même occasion saluer l'arrivée et la présence à nos côtés du nouveau Représentant du Bureau, Monsieur Musa Yerro GASSAMA, à qui je souhaite la bienvenue dans notre pays.
C'est d'ailleurs à l'occasion des activités initiées par le Bureau, en juillet 2007, à Atapkamé, que j'avais pris l'engagement de veiller à ce que le processus que nous nous entamons aujourd'hui ne soit pas uniquement l'Œuvre de la classe politique et du Gouvernement mais associe toutes les composantes de la nation.
Je tiens également à renouveler mes remerciements aux autres Agences du Système des Nations Unies et à l'ensemble des partenaires au développement pour leur soutien multiforme au Togo dans ses efforts de renforcement des libertés publiques et dans sa quête ardente d'une réconciliation nationale accomplie.
Mesdames et Messieurs,
L'objectif des consultations que nous lançons n'est nullement de dévoyer les investigations ni d'esquiver les analyses approfondies qui sont nécessaires à l'établissement des faits relatifs aux actes de violence à caractère politique pour en tirer toutes les conséquences.
Mais ce processus comporte des risques qui ne doivent pas être occultés. Des mesures de précaution sont donc nécessaires pour éviter les dérapages et la dispersion et pour empêcher l'enlisement qui seraient préjudiciables aux objectifs poursuivis.
C'est pour cela qu'il convient de s'assurer du caractère participatif et inclusif de ce processus, et de veiller particulièrement à ce que les populations aient une réelle opportunité d'exprimer leurs opinions sur le mandat, sur les modalités de mise en Œuvre et sur les finalités des mécanismes préconisés par l'Accord Politique Global du 20 août 2006.
D'autres aspects de la problématique des violences politiques et de l'impunité, tels qu'ils sont énoncés par l'Accord Politique Global, méritent que l'on s'entoure des opinions les plus diverses et des éclairages les plus avisés. Aussi, voudrais-je vous inviter à une réflexion objective sur la pertinence de deux commissions comme le préconise l'Accord Politique Global, plutôt qu'une seule, qui répondrait mieux, à mon sens, aux impératifs d'efficacité et d'économie en temps, en ressources humaines, matérielles et financières.
Elles doivent permettre à tous et à chacun de s'approprier ce processus, d'en mesurer les contraintes et d'en admettre les exigences pour que nous puissions disposer des meilleures recommandations en conformité avec les objectifs majeurs d'apaisement durable de la vie nationale ainsi que de réconciliation nationale qui sont recherchés.
A travers ce processus, toutes les entités concernées - pouvoirs publics, partis politiques, chefs traditionnels, regroupements de femmes, mouvements de jeunes, confessions religieuses et autres organisations de la société civile - pourront conjuguer leurs énergies et contribuer ainsi à la manifestation de la vérité, à la réalisation de la justice et à la consolidation de la réconciliation nationale.
Mesdames et Messieurs,
Les nobles causes qui justifient notre mobilisation et notre adhésion résolue aux valeurs de liberté, de justice et de paix exigent de chacune et de chacun de nous un engagement permament, une hauteur de vue et un sens élevé de la responsabilité.
C'est ce qui peut nous préserver de la tentation de céder à la stigmatisation, de se laisser aller à l'amalgame et aux invectives.
Nous avons pu le constater au travers des attaques ciblées, qui prolifèrent par moments, contre d'honnêtes gens - militants et leaders de partis politiques – mais aussi contre les forces de défense et de sécurité, dont la contribution, à l'occasion notamment des dernières élections législatives, a été pourtant exemplaire et essentielle dans leur réussite.
Tout au long de ce processus électoral, chacun a joué sa partition. Les populations et la société civile y ont pris une part très active. Les acteurs et les partis politiques ont largement observé le code de bonne conduite que les signataires de l'Accord Politique Global avaient élaboré, tandis que les forces de sécurité, à travers la FOSEL, ont abattu un travail gigantesque.
Et ailleurs, sur les théâtres d'opérations de maintien de la paix, nos Forces de de Défense recueillent de très bonnes performances et des appréciations extrêmement positives.
Tous, nous avons droit au respect de notre dignité et de notre honneur. Tous, nous avons également le devoir de respecter les Institutions de la République.
Nous devons comprendre que chacune des institutions de la République, chaque composante ou entité de la Nation, chacun de nous a un rôle important à jouer, surtout en matière d'éducation civique et de vulgarisation des valeurs citoyennes et républicaines, de sensibilisation et de conscientisation afin de favoriser l'enracinement des droits de l'homme, de la non-violence, des valeurs démocratiques et de paix dans notre pays.
Ce sont ces exigences morales, éthiques et républicaines qui fondent les consultations dont nous ouvrons les travaux aujourd'hui.
Au bout de ce processus je souhaite fructueux, j'ai l'intime conviction que chaque Togolaise et chaque Togolais aura conforté son engagement à oeuvrer au succès de la lutte contre la violence politique, contre toutes les formes d'intolérance et contre l'impunité.
Jetant un regard rétrospectif sur les moments troubles de notre passé, nous saurons, je souhaite vivement, puiser dans les souvenirs douloureux le courage et la force pour surmonter nos clivages et pour conjurer à jamais les démons de la désunion et de la discorde qui affaiblissent nos capacités de progrès.
Comme vous le savez, la vérité est la mère de la justice. Il s'en suit que la réconciliation nationale ne peut être sincère et solide que si elle se fonde sur la Vérité et la Justice. Aussi nous faudrait-il créer les conditions nécessaires pour la manifestation de cette vérité et pour la réalisation de la justice. Ce n'est qu'à ces conditions que nous pouvons espérer la paix des cŒurs et des esprits et que nous réussirons à projeter le Togo dans la modernité politique et démocratique.
C'est pourquoi, faut-il le souligner, en dépit de toutes les enquêtes qui ont été menées sur différents épisodes de violences et d'atteintes aux droits de l'homme, d'attentats à la vie de nos dirigeants et autres tentatives de déstabilisation survenues par le passé, et au-delà des débats qui se sont déroulés dans le cadre du dialogue politique inter-togolais, il était nécessaire de prendre cette initiative pour conjurer le passé et parvenir à une réelle réconciliation.
Mesdames et Messieurs,
L'histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements impérissables, mais elle justifie l'invincible espoir et donne raison aux volontés qui ne fléchissent jamais. A présent, nous pouvons, en toute sérénité et en toute responsabilité, mener à bien le processus de manifestation de la vérité, de réalisation de la justice et de consolidation de la réconciliation nationale.
Nous pouvons mener ce processus avec efficacité et avec succès, parce que nous avons d'ores et déjà entamé l'harmonisation de nos lois, à travers le Programme de Modernisation de la Justice qui poursuit, entre autres, comme objectif la mise en place d'un cadre juridique cohérent et harmonieux et d'un système juridictionnel indépendant et apte à l'application uniforme du droit.
La conduite des consultations nationales et la poursuite des efforts de réconciliation nationale sont et demeureront l'Œuvre des Togolais. Non seulement le mal à exorciser est togolais, non seulement les drames à proscrire se déroulent généralement en terre togolaise et entre Togolais et leurs victimes sont essentiellement togolaises, mais il est du devoir et de la responsabilité des Togolais, de conjurer ces épreuves.
C'est pour cette raison que ce processus sera placé sous la responsabilité primordiale des Institutions togolaises, particulièrement le Haut Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l'Unité Nationale, que nous avons créé récemment, ainsi que les Ministères des droits de l'homme et de la justice.
Ces institutions et l'ensemble des forces vives du Togo, dans le cadre d'un Comité de Pilotage, seront les maîtres d'Œuvre de ce processus et elles doivent y jouer un rôle de premier plan, tout en bénéficiant de l'accompagnement et de l'appui technique du Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme.
Je les exhorte à mener leurs délibérations sereinement et leurs travaux dans un esprit de fraternité, de compréhension mutuelle, en toute liberté et en pleine sécurité. Je les encourage à tenir ces consultations en conformité avec les normes reconnues d'objectivité, d'impartialité et d'indépendance et avec le souci d'aboutir dans des délais raisonnables.
Pour sa part, le Gouvernement devra s'assurer, avec le soutien de nos partenaires, que les consultations se déroulent dans des conditions matérielles, financières et logistiques adéquates et dans un environnent rassurant et sécurisant pour tous.
Mesdames et Messieurs,
Je déclare ouvertes les consultations nationales sur le processus Vérité, Justice et Réconciliation nationale.
Que Dieu bénisse et protège le Togo !
Je vous remercie.
Faure Gnassingbé
Président de la République